Impossible d’y échapper : les zombies de Walking dead sont devenus une franchise manifestement très lucrative : la série diffusée sur AMC est un vrai succès après avoir connu un démarrage médiocre, le comic suit son rythme de publication régulière et désormais, un magazine vient compléter cette offre pour satisfaire les fans en manque de chair en décrépitude. Véritable frénésie créative ou exploitation d’un filon à outrance ? On ne saurait trancher, en tout cas, du côté de la bande dessinée, les derniers tomes laissaient entrevoir un épuisement de l’intrigue et une absence de renouvellement des enjeux du récit. On a cette fâcheuse impression que Robert Kirkman au scénario tourne un peu en rond, en tout cas étire plus que nécessaire ses arcs narratifs pour prolonger parfois artificiellement l’histoire. C’est surtout le cas depuis l’arrivée du groupe de Rick dans la communauté à Washington, qui a quasiment fait table rase des morts vivants comme source de danger potentielle pour se concentrer davantage sur les relations entre les personnages et leur évolution psychologique. Entre la position de leader de Rick lourde à supporter en terme de responsabilité – questionnement redondant depuis le début – et l’espoir d’un avenir radieux basé sur l’entraide et la solidarité, la narration commençait sérieusement à ronronner pour faire du surplace. Heureusement, dans le tome précédent, le groupe se trouvait confronté à une pénurie alimentaire et entrait en contact avec une autre communauté auto suffisante – celle de la colline – menacée par un groupe de racketteurs ultra violents mené par un certain Negan.
C’est sur ce double postulat d’un espoir et d’une lourde menace que commence le dix-septième tome intitulé Terrifiant. Cette nouvelle livraison relance l’intérêt car Rick et les siens – qui se croyaient suffisamment solides collectivement pour repousser les attaques de n’importe quel ennemi – se retrouvent confrontés à une menace beaucoup plus sérieuse qu’ils ne le supposaient. La série prend des allures de Mad Max avec l’introduction de la bande de Negan, qui rappelle le fameux Seigneur Humungus du film de George Miller. On pense aussi au personnage déjà croisé plus tôt celui du Gouverneur, ennemi malfaisant qui organisait des combats entre humains et zombies et tenait en chaîne une fillette morte-vivante en guise d’animal de compagnie. Pour signifier la violence absolue de Negan et en faire l’incarnation d’une crapule encore plus abjecte que le Gouverneur, il faut une séquence forte et traumatique qui marque les esprits. C’est ici celle de la mise à mort brutale et arbitraire d’un personnage dont on taira le nom pour ne pas spoiler. Il est abattu sauvagement pour l’exemple, à coup de batte de baseball entourée de fil de fer, dans un déferlement gore un peu excessif qui fait vaciller les certitudes de Rick et le fait douter de sa capacité à protéger son groupe.
L’ex sheriff est-il réellement prêt à renoncer à se battre et accepter le racket de Nogan ou est-ce une ruse pour tromper l’ennemi ? La fin de l’épisode nous donne un début de réponse. En tout cas, le cycle de mortalité qui s’était quelque peu ralenti reprend ses droits et la mort frappe de nouveau dans Walking Dead. On se souvient d’une période dans la série où les personnages tombaient comme des mouches, c’est de nouveau le cas ici avec des figures-clé qui disparaissent de l’intrigue de façon imprévisible. Mais les morts ne sont pas davantage dus aux zombies, qu’à une menace plus grande encore : l’homme, revenu à l’état sauvage en l’absence de lois et de structure sociale. C’est le propos de Walking Dead depuis le début : l’homme est responsable de sa propre perte et l’invasion zombie n’est qu’un moyen de symboliser une société sur le déclin, en perte de fondements moraux. On se doute que la série ne va pas s’arrêter-là : il faudra boucler l’arc narratif consacré à Nogan et réussir à conclure cette grande odyssée humaine qui a brassé des thématiques suffisamment fortes jusqu’ici pour éviter l’essoufflement définitif.
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