Il va falloir définitivement se résoudre à admettre que Mumford and Sons est condamné à ne connaître en France qu’un petit succès d’estime très loin de sa consécration internationale. Déjà à l’époque de son premier opus, Sigh no more, le groupe n’avait pas affolé les ventes d’albums dans l’hexagone, ne se produisant que dans des salles moyennes toujours remplies majoritairement d’Anglo-Saxons qui voyaient là l’aubaine de les voir jouer ailleurs que dans des stades. Avec la sortie du deuxième album, Babel, on se disait que l’accueil chez nous serait davantage en adéquation avec ce qui se passe pour eux à l’étranger. Car dans l’intervalle, Mumford and sons a encore pris du galon. Le groupe a tourné triomphalement aux Etats-Unis cet été avec l’enregistrement d’un dvd live capté sur le site naturel de Red Rocks, là où U2 avait enregistré son fameux Under a blood red sky en 1983. Faut-il y voir le signe d’une carrière équivalente à celle de la bande à Bono ? C’est très probable, si l’on en juge par les récompenses les plus prestigieuses que le groupe a récolté cette année : meilleur groupe aux Brit Awards, meilleur album aux Grammy… Un tel succès suscite évidemment détestations, jalousies et commentaires. Liam Gallagher, qui n’est jamais le dernier pour balancer sur ses collègues a affirmé à propos de Mumford and sons : «Ils ressemblent à des putains d’Amish ! Tu sais, ceux avec des cheveux longs et pas d’électricité. J’ai besoin d’un style de musique un peu plus sexy et qui soit joué par des gens qui ont l’air un peu plus dangereux que ça. »
La musique, voilà ce qui expliquerait le relatif désamour de la France pour Mumford and sons. Le groupe joue en effet un folk très enraciné dans la tradition, avec banjo et mandoline pour la petite touche country, une grosse rythmique martelée pieds au plancher, des tubes fédérateurs hurlés à plein poumon, une voix rocailleuse qui n’hésite pas à faire vibrer des trémolos parfois grossiers… Ce qu’on leur reproche le plus souvent, c’est de faire du neuf avec du vieux, une musique simple et décompl exée qu’on jurerait composée au fonds d’un vieux pub, qui sent le bois et la bière. S’il faut reconnaitre que Sigh no more faisait preuve d’un réel talent mélodique, alternant aussi bien les hymnes taillés pour les stades que les balades intimistes, Babel donne davantage l’impression de vouloir en découdre : la production est plus lourde, avec un peu plus de gras dans les hanches, les morceaux visent manifestement le haut des charts sans plus se poser de questions. I will wait est déjà un tube logique, porté par des lyrics qui ne s’encombrent pas de finesse d’écriture mais dont l’unique objectif est d’être reprise en chœur par des millions de fans.
Quand Mumford and sons annonce une tournée en France, ce ne sont que deux dates qui sont programmées : une à Paris dans la petite salle du Trianon, et une au Bikini, à Toulouse, qui sans surprise est rempli à 80 % d’Anglais – on a repéré sur le parking des immatriculations d’Outre-Manche et quelques drapeaux irlandais flottent ici et là -. En entrant dans la salle, on s’aperçoit que le groupe a prévu la grosse production, un light show impressionnant avec une douzaine de « radars » lumineux en back line et un plafond de guirlandes multicolores suspendues à la mezzanine. Le concert démarre comme sur le dernier album avec un doublé Babel/ I will wait qui a une fonction cathartique pour le public et le Bikini se transforme en un véritable karaoké géant. Le concert sera d’ailleurs composé pour l’essentiel de leur dernier opus. Marcus Mumford malgré une audience majoritairement anglophone teste son français dans un bel effort de communication. Le secret du groupe est sans doute là : même avec un tel succès et un set très pro parfaitement rodé, Mumford and Sons a réussi à préserver une part de spontanéité et de proximité, sans jamais prendre la pause ni cynisme aucun. Voilà qui ne les réconciliera pas avec leurs détracteurs mais qui doit leur garantir un bel avenir s’ils continuent avec cette attitude. Et réussir, pourquoi pas, à agrandir sa base de fans français.
Crédit photos : Frédéric RACKAY (tous droits réservés)
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