Avec Le secret de la chambre noire, Kiyoshi Kurosawa livre une réflexion conceptuelle sur l’image et le cinéma d’une grande beauté mais se perd dans un récit qui s’écarte de son sujet d’origine.
Stéphane (Olivier Gourmet) est photographe.
Star absolue du milieu de la mode, il s’est mis en retrait de ce monde qu’il juge à la surface des choses pour se consacrer à des expérimentations photographiques aptes à capter l’essence de la vérité.
Il travaille avec seul et unique modèle, sa fille, Marie (Constance Rousseau).
Alors qu’il cherche un assistant pour l’aider dans la préparation de ses dispositifs particulièrement lourds, imposants et techniques, Jean (Tahar Rahim) se présente à lui.
Au contact de Stéphane, le jeune homme va découvrir l’enfermement et la servitude auxquels se soumet la jeune fille résignée.
Le film est très beau et s’apparente à une métaphore crépusculaire du cinéma moderne. Alors que le 7ème art revendique sa capacité à capter une réalité instantanée, à livrer un état du monde, de nos sociétés, Kiyoshi Kurosawa revient à ce qu’il estime être les fondamentaux du cinéma et de la photographie : la vérité des images.
Stéphane n’opère pas n’importe quelle photographie. Il s’adonne à une technique ancienne et spectaculaire : le daguerréotype.
Cette prise de vue si particulière s’effectue avec un temps d’exposition très long de plusieurs dizaines de minutes sur des plaques argentiques de grandes dimensions. Ce procédé permet à tout ce qui bouge de disparaître de l’image.
Ces premières techniques de photographie ne visaient donc pas à capturer une réalité brute mais plutôt à l’épurer, pour fixer ensuite l’essence de cette réalité débarrassée de tout ce qui est superflu.
Ces photographes étaient considérés comme des êtres à la fois divins et démoniaques, d’une part parce qu’ils restituaient une vérité absolue, d’autre part parce qu’ils faisaient endurer à leurs modèles des temps de pose d’une grande dureté, allant parfois même jusqu’à l’épuisement et les blessures physiques.
Stéphane déconstruit sa fille jusqu’à ce qu’elle disparaisse subitement pour réapparaitre ensuite sous une forme différente.
Ce premier segment du film est remarquable, d’une beauté à couper le souffle. La mise en scène de Kurosawa et son travail sur le sombre de la lumière subliment la portée mystique de l’histoire et rendent le film totalement fascinant.
La seconde partie du film est moins réussie et sa trame narrative se dilue dans une passion amoureuse doublée d’une histoire d’argent et de patrimoine immobilier qui l’écartent de son sujet initial. Elle devient plus classique et, de fait, plus ennuyeuse.
Pourtant le pivot de ces deux parties est magnifique.
A la disparition de Marie, le daguerréotype donne naissance à l’apparition d’un fantôme, motif récurrent dans les films du japonais. Le fantôme de Marie se met alors à errer et à résonner dans l’esprit des vivants, notamment celui de Jean, éperdument amoureux de la jeune fille et prêt à tout pour construire un avenir à deux.
Pour son premier film hors du Japon en langue étrangère, le réalisateur continue de tracer le sillon de sa réflexion sur les images et le cinéma en préservant les motifs de son œuvre. Il réalise un film d’une grande puissance évocatrice mais se perd étonnamment dans une certaine forme de superflu.
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