Oser comparer Hunger Games à Battle Royale est faire outrage à l’immense Kinji Fukasaku qui terminait sa carrière avec ce monument de violence jusqu’au boutiste, décomplexé, noir et cynique. Toutes qualités dont est malheureusement dépourvu le film de Gary Ross, adapté d’une série de romans pour teenagers écrits par Suzanne Collins. Hunger Games, du fait de son positionnement jeuniste s’interdit donc tout discours socio-politique un tant soit peu construit sur le totalitarisme et la société du spectacle, ainsi que toute représentation graphique frontale de la violence et privilégie l’arc narratif consacré à la bluette amoureuse. N’est pas Paul Verhoeven qui veut, lui qui avec Starship Troopers se glissait dans les conventions de la sitcom pour mieux les dynamiter de l’intérieur en la parodiant. Au contraire, Hunger Games se prend très au sérieux sans jamais atteindre le niveau des brûlots des années 70 réalisés sur un vrai terreau de crise. On pense à Punishment Park bien sûr, absolument définitif dans son genre, mais aussi aux films d’anticipation de l’époque, tels Rollerball ou plus tard Le prix du danger et son remake The running man.
L’un des inconvénients majeurs du film est sa durée excessive : 2 H 20 dont la longue exposition ne fait que retarder ce que le spectateur est venu voir, les hunger games, sans poser d’enjeux véritablement essentiels. De la sélection des participants dans les districts à leur arrivée au Capitole, la capitale de l’ancienne Amérique du Nord, en passant par leur entraînement, tout est filmé de façon horriblement plan-plan par un Gary Ross sans inspiration, qui ne parvient à aucun moment à réaliser LA scène qui ferait décoller le récit pour y injecter de l’intérêt. Pire, le production design – costumes, décors, coiffures, maquillages – est hideux. Certes, le Capitole est le lieu de tous les excès – vestimentaires, architecturaux, médiatiques (la retransmission des jeux à la télévision) – mais l’absence de subtilité dans la direction artistique condamne le film à la caricature et ouvre la possibilité aux acteurs de cabotiner outrageusement. C’est Woody Harrelson qui remporte le pompon à ce petit jeu, rejoint par un Lenny Kravitz hors de propos et un Donald Sutherland en roue libre. Seule l’héroïne principale, interprétée par Jennifer Lawrence s’en sort mieux que les autres et réussit à faire exister son personnage, au sein d’un casting atone.
On espère que le second acte justifiera à lui seul l’accueil mirobolant que le public a réservé au film outre-Atlantique (scores faramineux au box office, succès générationnel) : il n’en est rien. Gary Ross a la fâcheuse habitude de tourner les scènes de tension ou d’action en se reposant exclusivement sur le procédé de la shaky cam, qui relève tout de même du niveau zéro de la mise en scène. Résultat, ces séquences sont illisibles car filmées systématiquement en plans serrés, ce qui traduit une absence de maîtrise des échelles de plan, d’intelligence du cadre ou de compréhension de la grammaire cinématographique. Un exemple : dans la scène finale, lorsque les deux survivants réfugiés sur le toit de la « corne d’abondance » sont menacés par un troupeau de créatures en contrebas, là où il faudrait des plans d’ensemble, des panoramiques pour signifier le danger, Gary Ross s’obstine à cadrer serré et à l’épaule, incapable d’intégrer deux actions simultanées. Et à la fin de Hunger Games, quand il devient évident que la suite verra ses enjeux tourner autour d’un triangle amoureux adolescent (une trilogie est prévue), on se dit que ce sera sans nous, ce premier volet ayant découragé toute tentative de nous plonger dans cet univers.
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