Desierto, le rêve américain de Donald Trump deflagré par Jonas Cuaron
Le 16 juin 2015, Donald Trump annonce sa candidature aux primaires républicaines en vue de la présidentielle américaine de 2016.
Lors de son discours d’investiture, il s’en prend frontalement aux immigrés mexicains déclarant que le Mexique n’est pas l’ami des Etats-Unis allant même jusqu’à les qualifier d’exportateurs de drogue, de violeurs et de criminels.
Quelques mois plus tard, dans une vidéo de campagne, Trump utilise des images tournées entre le Maroc et l’Espagne pour représenter la frontière américano-mexicaine comme une passoire et déclare vouloir stopper l’immigration illégale en construisant un mur.
La représentation de la violence, du passage à l’acte, de la folie de l’exclusion et des frontières est le sujet de Jonas Cuaron dans son second long métrage Desertio, présenté au dernier festival de Toronto et dans les salles françaises le 13 avril prochain.
Le réalisateur mexicain propose ni plus ni moins un survival tendu reprenant à son compte les principes directeurs de Gravity dont il a écrit le scénario pour son père, Alfonso Cuaron.
Il en livre quasiment une version terrestre reposant sur le principe de réalité, alors que Gravity inventait sa propre réalité. Ici le désert remplace l’espace et le confinement des engins spatiaux s’exprime au travers de la rocaille et de la nature inhospitalière du désert de Sonora qui impose le rythme de la traque.
Car c’est bien d’une histoire de traque dont il s’agit. Une traque qui pourrait s’apparenter à un rêve pornographique de l’Amérique xénophobe, celle de Trump en l’occurrence.
Au cœur des étendues hostiles, un groupe de Mexicains progresse vers ce qu’ils pensent être une nouvelle chance, l’opportunité de changer de vie, de vivre libres et de s’accomplir. Jusqu’à ce qu’ils se fassent abattre froidement, les uns après les autres par un loup solitaire embrigadé au sein des Minutemen, ces milices organisées qui chassent littéralement les clandestins, armes de guerre aux poings.
Sam (Jeffrey Dean Morgan), le tueur et son chien d’attaque, vont s’acharner sur Moïse (Gael Garcia Bernal), survivant du groupe jusqu’à un duel final terrifiant où les archétypes du bien et du mal se confondent dans un élan de violence sourde.
Comme dans Gravity, Jonas Cuaron utilise les principes de rapprochement et d’éloignement entre les protagonistes, ici fugitifs et chasseurs, comme éléments-clés de la tension et du suspense. Ils se tiennent à distance, mais toujours à portée de fusil et lorsqu’ils se perdent de vue, le chien du tueur fond sur ses proies sans rechigner.
La réussite de la mise en scène est de très vite baliser l’espace de l’action de manière extrêmement géométrique et rationnelle. Si bien que le spectateur cartographie mentalement la traque et la géographie des lieux devient le maître du jeu de cet affrontement.
L’autre réussite du film est le glissement progressif du thriller, de l’action physique vers une dimension plus existentielle. Par certains aspects, Jonas Cuaron convoque le Spielberg de Duel, le film de traque par excellence.
Néanmoins le jeune cinéaste ne réussit pas tout à fait. Si Gael Garcia Bernal est impeccable, le personnage du tueur interprété par Jeffrey Dean Morgan manque de densité et d’incarnation, notamment dans le segment du film où les dialogues s’effacent et où il devient plus physique, plus organique.
Il utilise par ailleurs une musique originale signée Woodkid de manière un peu trop systématique pour souligner les bifurcations du scénario ou les moments plus émotionnels. Ce qui rompt avec le silence pesant d’une nature asséchée. On aurait aimé que Woodkid embrasse l’intégralité du score en le rendant plus tribal et entêtant.
Jonas Cuaron livre au final un film engagé, sans fioriture, sec et nerveux, mais qui manque par certains aspects de personnalité dans sa réalisation ce qui en fait un objet plus convaincant par ce qu’il raconte et par les partis qu’il prend que par ce qu’il montre à l’écran.
Note: