The end, de Guillaume Nicloux, un film puissant et dépouillé retraçant les derniers jours d’un homme déjà mort parmi les vivants.
Guillaume Nicloux est un cinéaste singulier.
Très vite catalogué au début des années 2000 dans la case du néo-polar à la française, poisseux et ancré dans le réel, avec des films comme Une affaire privée, Cette femme-là ou La Clef, le réalisateur a pris un étonnant virage depuis maintenant trois films.
Avec L’enlèvement de Michel Houellebecq, Valley of love et maintenant The End, il tire son cinéma vers une certaine forme d’abstraction et de minimalisme plutôt inattendu dans le cinéma français.
Cela en fait un cinéaste passionnant et The end est sans doute son film le plus expérimental.
Il met en scène un homme dont on ignore le nom, joué par Gérard Depardieu. Cet homme vit seul dans une maison forestière avec, comme seule compagnie son chien Yoshi.
Alors qu’il décide de partir chasser en forêt, il va d’abord perdre son chien, puis son fusil avant de se perdre lui-même, jusqu’à faire la rencontre de spectres eux-même égarés dans cette forêt des songes.
D’abord un jeune homme mystérieux, puis une femme littéralement nue. Les deux personnages ont l’un et l’autre subi la violence morbide d’un monde en déconstruction, mais nous n’en saurons guère plus, à part quelques détails nauséeux.
L’ambition de Guillaume Nicloux est de scruter les âmes à un moment bien précis de l’existence, sans donner trop d’explications aux spectateurs et préférant leur laisser le champ libre dans cette balade funèbre.
Ces moments sont ceux où la solitude et la vieillesse font un rappel à la mort et que les questions existentielles poussent les âmes à vouloir revenir à une certaine forme d’état sauvage, de naturalisme en se dépossédant des corps.
Le film n’est pas sans rappeler Last Days de Gus Van Sant, voire Gerry qui l’un et l’autre se posait comme des films de frontières entre deux états chimiques, à mi-chemin entre le réel et l’au-delà, la vigueur et l’épuisement, la croyance et la résolution, le corps et l’esprit.
Guillaume Nicloux filme la forêt comme la représentation psychique de son personnage, tantôt rationnelle, tantôt mystérieuse, souvent inquiétante et jamais linéaire.
Depardieu est livré à lui-même dans cette course de désorientation, sans boussole, ni raison de continuer comme de s’arrêter. On assiste ici à un survival de l’esprit.
Ici, peu de paroles, beaucoup de borborygmes, de cris, de reniflements, de respirations en forme de râles qui s’intègrent petit à petit avec les sons de la nature.
Le corps monstrueux de l’acteur fusionne lui aussi avec la forêt par une mise en scène qui joue les aplats plutôt que la profondeur et qui alterne plans serrés quand il s’agit de représenter les personnages et plans larges quand la nature écrase le cadre.
La force de Nicloux, au-delà de sa mise en scène, c’est aussi de nous donner à scruter le visage et le corps de Depardieu, être humain hors norme avant même d’être un acteur exceptionnel.
Déjà dans Valley of love, le cinéaste impressionnait par sa capacité à se faufiler dans les méandres psychanalytiques du couple Huppert/Depardieu. Ici, il filme l’urgence d’un corps en perdition.
Depardieu est tout simplement magnifique.
Réalisé très vite dans la foulée de Valley of Love avec un budget minimal, le film, d’à peine plus d’une heure, sort le 13 avril en e-cinéma et il est à ne pas manquer.
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