Matt Flegel est un homme pressé. Après avoir connu la douleur de la mort de Christopher Reimer, ancien guitariste du groupe culte Women, il avait mis un certain temps pour faire naître de ses cendres Preoccupations, connu autrefois sous le nom de Viet Cong. Depuis, 3 opus sont sortis en seulement trois années, Viet Cong, Preoccupations et donc le présent New Material. Des albums plein d’un Post Punk bouillonnant et martial, fourmillant d’idées et plongeant leurs auditeurs dans un véritable labyrinthe musical. Enfin, c’était surtout vrai pour les deux précédents, car avec New Material, les canadiens abandonnent les méandres pour quelque chose de plus sombre et brut, comme un diamant noir.
Les huit titres de ce troisième album marquent donc une nouvelle évolution de Preoccupations vers des landes encore plus obscures, même si cette promesse de voyage sans concession se voit parfois parasitée par un certain ennui. Si Espionage, premier single de l’album, ou Solace sont de belles relectures du Post Punk de Joy Division, jusque dans la basse, on ne retrouve pas la même morbidité saisissante. Le chant solennel de Flegel n’y peut rien, une certaine artificialité accompagne ces morceaux. Reste au moins un plaisir simple à écouter ces chansons biens écrites et ficelées.
L’ambiance générale, étouffante et géométrique, comme ces formes – triangle, cercle, carré – qui orne la pochette, donne toutefois une atmosphère menaçante, une violence contenue, certes sans mélancolie ni réelle émotion, à part sur la belle et envoutante Manipulation où le chant devient écorché, mais toute cette froideur fait son petit effet. Decompose est une ballade synth-goth assez dark et prenante tandis que Disarray amène des vibrations soniques digne du Shoegaze avec ses guitares saturées. La guitare justement passe au second plan, ce qui est regrettable pour un groupe qui nous avait offert la monumentale Death en 2015 (10 min de Noise Rock majestueux). Cependant, l’électronique prend désormais une place fondamentale et permet à Preoccupations d’imposer l’élément le plus fort de son nouvel album : une atmosphère caverneuse.
Fini le rock donc, ou presque. Antidote tente une approche new wave qui reste néanmoins trop sommaire et devient vite ennuyeuse sur ses six minutes. Point de break inattendu ou insensé pour nous sortir de sa léthargie. A l’inverse, Compliance qui clôt l’album, joue à fond la carte de l’ambient en mélangeant les influences de Brian Eno et celles de My Bloody Valentine pour un final réjouissant et qui annonce peut-être un tournant pour le groupe. On aurait aimé au moins découvrir dans ce New Material une pièce de la trempe d’une Continental Shelf ou même Anxiety mais Preoccupations a justement revu ses préoccupations. Le tout forme un long morceau d’une quarantaine de minute qui s’écoute dans déplaisir mais il faudra encore attendre avant de les voir enfin sortir le chef d’œuvre promis.
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