Un disque où il est question de communiquer avec des extraterrestres peut-il réellement être pris au sérieux ? Comment renier la cumbia, se noyer dans une piscine et renaître à New York en dévot de la salsa ? Quels moyens employer pour se venger d’une gitane qui nous aurait brisé le cœur ? Pourquoi de joyeux vautours s’en prennent-ils à un zombie ? Par quel savant sortilège l’ensemble de la population se retrouve-t-il sans pantalon ? Comment devenir le disc jockey de l’amour ? Et, surtout, comment rendre hommage aux femmes colombiennes et danser toute la nuit le cerveau imbibé d’eau-de-vie ? Ne cherchez pas plus loin, toutes les réponses à ces questions, plus vitales les unes que les autres, se trouvent dans Desesperanza, le quatrième album des Meridian Brothers.
Derrière ce projet se cache en fait Eblis Alvarez, trublion du caribbean folk, et petit prince du balloche colombien. Eblis vit et enregistre ses disques à Bogota. On a beau être au pays des cartels, de son propre aveu – et même si tout dans sa musique semble indiquer le contraire -, il n’a pas recours à l’usage des drogues. Le régime alimentaire d’Eblis semble plutôt composé de rythmes électro-latinos, de cumbia et de salsa, élevés comme des petits pois sauteurs préalablement exposés aux rayons cosmiques ou à quelques cuvées de gaz hilarant. Selon ses propres dires, de quoi se rouler par terre, pleurer de rire et danser jusqu’aux Antilles. Plusieurs ont testé et certains sont encore en cellule de dégrisement, retenus quelque part dans le triangle des Bermudes.
Pour tout dire, les Meridian Brothers* revisitent le folklore caribéen et entraînent la musique tropicale dans le giron de l’expérimental. Des voix trafiquées, grotesques et lugubres. Des rythmes ensorcelants et idiots. Des effets de thérémine et de 4e dimension. Des histoires de revenants, de monstres marins et de délires machistes qui composent tout au long du disque une iconographie à la fois étrange et enfantine, aux confins de l’univers vaudou et du fantastique. Desesperanza, c’est un peu Devo sous les tropiques ou les B-52s découvrant les joies de la tequila. Définitivement, un disque qui ne tourne pas rond, mais qui est aussi sans doute un des plus drôles que vous puissiez écouter ces jours-ci – ce qui, en ces temps de malheurs et autres sinistroses, ne fera certainement de mal à personne.
* Le site Internet d’Eblis Alvarez offre à qui veut bien cliquer la possibilité d’écouter tous les albums des Meridian Brothers dans leur intégralité. Plus des side projects comme Los Pirañas, une sorte de rock dada des paillotes avec des vrais morceaux de peyotl à l’intérieur. Plus des travaux de toutes sortes comme, par exemple, une magnifique pièce a capella pour deux chanteuses et bien d’autres surprises encore.
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