Deux ans après sa fresque « scorsesienne« Gangs of Wasseypur, Anurag Kashyap, réalisateur Indien, revient avec un polar plus serré, moins dense, narrant les péripéties frénétiques d’un groupe de personnes autour de l’enlèvement d’une petite fille.
Le père de la fille qui disparaît est acteur, il semble passer son temps dans les castings, à se faire renvoyer ou à ne jouer que des seconds rôles de films d’action fauchés. Son meilleur ami est aussi son agent et un jour que le père se rend chez lui, sa fille restée en bas dans la voiture n’y est plus à son retour. Commence alors dans les ruelles étriquées de Bombay, une course-poursuite avec le temps, avec un agresseur dont l’identité se dilate petit-à-petit.
C’est peut être ce qu’il y a de plus réussi dans le film, ce brouillage des pistes qui se densifie à mesure que les personnages mènent leur enquête. La mère, son nouveau mari chef de la police, la copine du père, son agent… tout le monde devient suspect. Et surtout, tout le monde peut s’approprier l’enlèvement pour se faire un peu (beaucoup) d’argent. Chaque personnage devient un coupable potentiel et le film utilise très bien l’objet téléphone portable qui, plutôt que de servir à la bonne circulation des informations, parasite et épaissit le mystère autour de l’enlèvement.
Ugly démarre de manière un peu ridicule comme le pensum d’Haneke, Funny Games, par une musique très forte, très violente, sur une image quasi fixe, figée. Une manière d’annoncer une explosion de violence qui pointe, un mal qui viendra plus tard s’immiscer dans les images. Mais cela n’arrive jamais réellement. L’image finale n’a pas l’effet guillotine qu’elle voudrait avoir et si le film donne l’impression de n’être qu’une longue séquence d’action, la tension peine à exister dans les scènes de confrontation. Le film lorgne plutôt du côté de Tarantino quand, dans une scène au commissariat, le père doit faire face à un groupe de flics attardés, voire menaçants et que la scène s’étire jusqu’à l’absurde. Mais ce genre de tentative affiche bien trop ses intentions et la rupture de ton devient rupture de rythme. On se désintéresse assez facilement de l’intrigue, malgré quelques coups de fouets évoquant quant-à eux le cinéma coréen actuel, comme The Chaser par exemple. Non sans une certaine dose de clichés.
Ugly est à l’image de la ville dans laquelle il est tourné, mais pas assez. Il est parfois haletant, mais pas assez régulièrement. Si l’on remercie le film de s’éloigner d’une gouverne à la Funny Games qui semblait émerger au début, pour se diriger vers une débauche de grotesque portraiturant l’Inde contemporaine, on regrettera que quelque chose reste tapi sous les images, que la frénésie promise ne gangrène pas le film tout entier.
Note: