Un an après Detective Dee II, La Bataille de la montagne du tigre signe le retour de Tsui Hark sur les écrans français. Tracks In The Snowy Forest, roman de Qu Bo – déjà transposé en film et à l’opéra – a pour source la guerre civile chinoise et l’affrontement de l’unité 203 de l’Armée de libération contre une troupe de bandits occupant une forteresse au nord-est du pays. Alors que menés par leur chef Hawk, les barbares terrorisent et pillent les villages alentours, le capitaine 203 décide de lancer l’offensive contre eux. Pour ce faire, l’officier Yang est envoyé en mission d’infiltration chez les bandits.
Tsui Hark n’opte pas pour la solennité trop souvent propre à l’exercice de la reconstitution historique. Conscient de la postérité de son histoire dans la culture chinoise populaire, il prend le parti de s’éloigner des sentiers battus et façonne un divertissement pétaradant. Le scénario s’ancre d’abord dans la Chine contemporaine. Avant son départ pour les Etats-Unis, un jeune futur expatrié visionne des extraits de l’opéra originel. En citant les diverses versions qui ont précédé son film, Tsui Hark met en abîme sa propre mise en scène. On retrouvera à la toute fin le jeune chinois expatrié : les bouts des autres films, l’opéra, le roman et sa propre histoire se sont reconnectés pour former la fiction qui vient de défiler. Dès lors, l’héritage mémoriel vaut infiniment plus comme histoire qu’on se raconte à soi-même, virevoltant récit d’aventure, que comme ressassement d’une poussiéreuse leçon d’école.
Si la mise en place des éléments compose une première heure un peu laborieuse, le film commence à captiver dès lors qu’il se focalise sur Yang, l’espion de l’Armée de la libération, et sur son infiltration parmi les bandits. Detective Dee II fourmillait de séquences d’actions usant, voire abusant du bullet time. Le résultat était expérimentalement intéressant et livrait une exploration novatrice de la 3D : étaient ainsi isolés dans le cadre et rapportés au premier plan différents éléments qu’identifiait le héros dans son enquête. La Bataille de la montagne du tigre en fait un usage plus parcimonieux. De façon assez déconcertante, seule la première séquence d’attaque est mise en scène de cette façon. Puis Tsui Hark revient à un découpage plus classique de l’action qui lui fait gagner en rythme et en efficacité. Ce revirement vers une mise en scène plus simple, en revanche, n’a jamais pour contre-pied un renoncement au spectaculaire. Au contraire, le film cumule, procurant un plaisir entêtant, les numéros de haute voltige toujours un peu plus abracadabrantesques. A commencer par une époustouflante séquence d’affrontement entre Yang et un tigre dans la forêt, jusqu’à l’assaut final de la forteresse.
Rendre hommage aux héros du passé. Mais seulement à condition que l’impératif du plaisir soit maître à bord. Cette posture fun est si bien assumée qu’à la fin, quand le générique s’annonce, une seconde version du dénouement est proposée, plus grandiose, plus folle encore que la première. Façon de faire rappel, de relancer le manège pour un nouveau tour. On pourrait voir de la désinvolture face à l’histoire, là où s’affirme plutôt une saine intégrité dans l’art de raconter. Car jamais la mise en scène n’est négligée, et d’autre part Tsui Hark fait incarner à ses héros des valeurs héroïques avec une naïveté revigorante. L’ambition du réalisateur n’est pas d’accuser sa dette au réel en rendant des comptes à la véracité historique, c’est au contraire un parti-pris de divertissement clamé haut et fort qui gouverne son film. Tour à tour haletant, effrayant, exaltant, du genre qui fait se caler au fond de son siège et serrer les accoudoirs, La Bataille de la montagne du tigre compose un très émouvant programme.
La bataille de la montagne du tigre, sortie en salles le 17 juin 2015
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