Initialement annoncé comme un prequel à la saga Alien, Prometheus a finalement été vendu par un marketing hésitant comme un nouvel univers totalement différent où le monstre de Giger aurait sa place dans un ensemble plus vaste et ambitieux qui nous révèlerait ni plus ni moins les origines de l’humanité. Un tel manque de lisibilité des intentions dit bien la confusion d’un projet qui cherche sans cesse à s’émanciper de la franchise initiale, tout en ne cessant jamais d’y revenir dans une valse-hésitation un peu embarrassante. Ni Begins ni Reboot, ni prequel ni remake, Prometheus est en revanche bel et bien une réelle imposture, une arnaque inqualifiable qui a de quoi rendre furieux les amoureux de la saga originale, sur laquelle Ridley Scott s’essuie les pieds comme sur un paillasson tout en tentant de s’accrocher aux branches d’une science-fiction dite « adulte ». Mais avec 2001 – L’odyssée de l’espace, le maître étalon du genre en ligne de mire, Prometheus s’attaque à plus gros que lui et ne parvient jamais à égaler son niveau de questionnement, la faute à un script fainéant qui lance une quantité de pistes de réflexion sans jamais répondre à aucune.
Il faut dire qu’avec David Lindelof, l’un des co show runners de la série Lost aux manettes du scénario, il ne pouvait en être autrement. Car si dans le cadre d’un programme télé, son style d’écriture convient au développement du récit sur plusieurs saisons et favorise une caractérisation des personnages qui prend en compte leur évolution dans l’histoire, elle est inadaptée à un long métrage de deux heures. En l’occurrence, elle pose même une double problématique de cohérence et de crédibilité : interne dans le déroulement de la narration et globale au sein de la série. Ainsi, la façon dont chaque protagoniste réagit aux événements ou interagit avec les autres n’obéit à aucune logique dramatique. Des exemples ? Lorsque Fifield, le géologue, amène la mission à l’endroit où se trouve la réponse aux questions sur l’origine de l’humanité, alors qu’il est à deux doigts de faire la plus grande découvertes de l’histoire humaine, il choisit de faire demi-tour… Et se perd sur le chemin du retour, alors que c’est lui qui a conduit le groupe jusque-là. Quand Janek, le pilote du vaisseau, observe le retour des deux retardataires sur une carte et s’aperçoit d’un point rouge clignotant qui indiquerait la présence d’une vie extra-terrestre, il préfère conclure à une erreur matérielle quand le capitaine de la Mission, Meredith Vickers (Charlize Theron, certes) lui propose la bagatelle dans sa cabine.
On a l’impression que la mission Prometheus – qui a coûté une petite fortune au milliardaire qui l’a financée – est menée par la pire bande de bras cassés de la galaxie, incompétents, sans aucune cohésion de groupe, incapables de prendre une seule bonne décision au bon moment. Dans ce contexte, le cyborg est le personnage le plus intéressant et le plus fascinant du film, dans son questionnement sur le libre arbitre et dans les interrogations qu’il suscite sur les motivations de ses initiatives personnelles. Pour le reste, le spectateur ne peut qu’assister affligé au désastre, voyant ses attentes initiales (énormes) réduites à peau de chagrin au fur et à mesure. On passe ainsi du «oui…pourquoi pas ?!» au «What the fuck ??», de l’enthousiasme à un sentiment de sidération totale, de déception et de colère face à un tel gâchis. Car ce qui conviendrait à un film de série Z est en fait mis à la disposition d’un immense nanar de luxe qui ne veut pas dire sa filiation à la saga Alien alors qu’il adresse aux spectateurs des regards complices entendus, de façon hypocrite.
Prometheus reprend en effet tous les gimmicks des films originaux en leur tournant autour sans avouer sa nature de remake : le réveil de la mission suite à la période de sommeil prolongé, la scène de repas, l’arrivée sur la planète, la découverte des cônes, le passage obligé de l’héroïne en petite culotte, la décapitation du cyborg… Il est triste de voir Ridley Scott se parodier ainsi, tout ça pour aboutir in extremis à une conclusion qui fait le lien avec son film de 1979 et dont on ne peut que craindre pour la suite qu’il entend donner à son autre chef d’oeuvre : Blade Runner. L’énorme direction artistique du film, assez somptueuse, ne fait que confirmer les qualités d’esthète et de formalisme du réalisateur mais n’en fait pas pour autant un auteur dont on pourrait louer la cohérence globale de l’oeuvre, ni la pertinence du propos. En l’état, Prometheus est donc loin d’être un nouveau jalon de la science-fiction comme Ridley Scott en a posés à la fin des années 70 et au début des années 80, mais juste le pilote d’une nouvelle série dont on n’a pas envie de connaître la suite.
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