Suite de House of 10,000 corpses (inédit en France), qui nous avait permis de faire connaissance avec la famille Firefly, The Devil’s Rejects s’inscrit comme le digne héritier d’un cinéma dit « texan » et de son précédent rejeton, Leatherface, immortalisé par Tobe Hooper en 76 dans Massacre à la tronçonneuse. La famille Firefly, dans le genre, impose une nouvelle norme dans l’horreur et le sordide : 77 meurtres, précédés de viols et tortures en tous genres, de nécrophilie… La première image du film donne le ton : le corps nu d’une victime que l’on traîne comme une poupée de chiffon en pleine forêt pour s’en débarrasser permet de mesurer d’emblée ce qui nous attend dans l’abject, le crapuleux et le malsain. Toutefois, le scénario évite d’entrée les stéréotypes : en inaugurant le métrage par la tentative d’arrestation de la famille par les forces de police et sa fuite, The devil’s reject nous dispense de la structure stéréotypée du style : arrivée d’une bande d’amis en territoire inconnu/ confrontation avec l’horreur/ instinct de survie/ fuite, maintes fois utilisées partout ailleurs. Le schéma de la course poursuite avec un shérif qui a des idées de vengeance (son frère s’est fait tuer par un membre de la famille) permet d’envisager d’autres possibilités. Comme cette prise d’otage dans un motel, avec tension psychologique, humiliation sexuelle, meurtres à l’arme blanche ou au pistolet, durant laquelle on mesure toute l’étendue de la folie des Firefly.
Heureusement, Rob zombie sait s’arrêter quand il faut avant de sombrer dans le mauvais goût le plus total. Le film n’est jamais excessif dans la surenchère « gore », hormis en une seule occasion – celle du camion écrasant une otage échappée et le détail de la tripaille qui fleurit le bitume -. En outre, on ne peut à aucun instant accuser le metteur en scène de provoquer une quelconque forme de sympathie pour les Firefly, de rechercher une connivence avec le spectateur. Leurs actes sont à ce point monstrueux qu’aucune ambiguïté n’est permise : nous avons affaire au mal incarné. Hélas pour nous, l’identification avec un héros positif est impossible, le shérif assoiffé de vengeance sombrant lui aussi dans une folie haineuse, la frontière entre le bien et le mal n’existe plus, pour nous laisser en compagnie d’une galerie de personnages au final plus déjantés les uns que les autres. Heureusement, le film est sauvé de la noirceur absolue par un humour potache qui privilégie les bons mots et les situations absurdes, tel cette convocation à témoigner d’un critique de cinéma venu expliciter les alias des membres de la famille (empruntés aux Marx Brothers) et qui termine en explication musclée autour d’un débat Elvis/ Groucho, dont le ton décalé rappelle les dialogues de Tarantino.
Rob Zombie trousse une mise en scène très inspirée qui, avec sa photo saturée et granuleuse, s’inscrit en digne héritière d’un cinéma des 70’s, de Tobe Hooper ou de Wes Craven. La première séquence de fusillade dans la ferme des Firefly nous en donne un aperçu : arrêts sur image opportuns, montage ultra cut… Le réalisateur profite de la faiblesses de son budget et des conditions de tournage pour en faire des qualités qui servent le propos. Il utilise également la musique avec beaucoup d’intelligence, avec des titres dont les paroles sont signifiantes par rapport aux séquences qu’ils illustrent. Dans son final, il opère jusqu’à une symbiose entre la musique et la mise en scène, le montage épousant le rythme du morceau pour une scène ultime qui rappelle à la fois Thelma & Louise et Bonnie & Clyde. The Devil’s rejects ne plaira sans doute pas à tout le monde, certains s’y sentiront mal à l’aise, rejetteront le film en bloc. Ce n’est pas dans l’intention du réalisateur de faire un film confortable, mais bien de choquer le spectateur, de le prendre par les tripes pour lui faire partager la folie de ses personnages. Dans ce sens, c’est une réussite, une expérience extrême pour qui voudra la tenter.
The devil’s rejects, dvd disponible (Metropolitan Vidéo)
Note: