On est Dimanche soir. ‘Fait pas beau, rien à la télé. C’est la déprime complète en cette veille de reprise du travail. La journée fut reposante et longue à souhait, on se remet des bêtises de la veille. On se souvient à quel point on a dépassé les limites, à quel point on avait l’ambition de l’excès et même s’il a fallu s’en remettre, on sourit bêtement tout seul en voulant repartir à l’assaut. Et puis négligemment on tombe sur le nouvel album de The Besnard Lakes et on est amusé par son titre, Until In ExcessImperceptible UFO, un brin complice. Et puis comme par hasard, l’appel du pied se fait insistant car on se rend compte que le groupe donne un concert dans une heure à la Dynamo. Alors la promesse de dépasser les limites, d’être dans l’excès de nouveau a bien du mal à ne pas être assouvi !
Evidemment, ça s’est pas vraiment passé comme ça, puisqu’on avait repéré la venue des Canadiens bien avant, mais tout de même on est pas loin de la vérité. Alors c’est avec un vrai entrain qu’on décide de prolonger un peu plus le weekend quitte à souffrir un peu plus le lundi qui de toute façon ne sera pas au soleil.
The Besnard Lakes donc, Montréal, Canada, quatrième album. Une presse quasi unanime sur les qualités fondamentales de leur musique. Pitchfork, redoutable marqueur de mode ou véritable bourreau, penche depuis le début du bon côté pour les Canadiens et la presse française ne s’en démarque pas. Et pourtant, malgré tout, c’est bel et bien dans une salle clairsemée que va se produire Jace Lazek le chanteur et leader du groupe. Etonnant pour un groupe de ce calibre plutôt habitué aux festivals et en pleine possession de sa musique. Mais cela n’est pas pour nous déplaire, nous aurons la chance de profiter pleinement du groupe sans avoir à se marcher dessus, la chance inouïe de pouvoir partager un moment plus intimiste avec The Besnard Lakes. Enjoy !
On patiente tranquillement devant Eric Nemo, artiste complet toulousain, qui nous livre son set énergique et assez réussi, idéal pour mettre en jambes un public d’avertis. Car finalement ne se retrouvent ici que ceux qui suivent déjà The Besnard Lakes. L’ambiance est donc plutôt idéale pour les Canadiens qui, au moment de monter sur scène dégagent déjà une impression étonnante, tant leur look est improbable ! Il ne manque à Jace Lazek que le chapeau pour son costume de cowboy. On se demande si on va avoir droit à de la musique country. Par ailleurs, on le confondrait presque avec Polnareff, avec des lunettes non teintées. Quant à Olga Goreas, l’autre tête pensante du groupe et – soit dit en passant – moitié de Jace, elle nous la joue plutôt Alice aux Pays des Merveilles, avec sa petite robe bleue et ses petits souliers ! Un vrai décalage avec leur musique résolument rock indé voire limite shoegazing.
Le doute ne planera pas longtemps puisque dès le premier titre, The Besnard Lakes annonce la couleur. Le set sera lisse, tendu et hyponotique ! Nous voilà donc emportés sur le dos du dark horse, pour une bonne heure et demie de trajet. Dark Horse, qualificatif attribué par la presse canadienne aux débuts du groupe et dont celui-ci s’est astucieusement emparé en intitulant leur second album The Besnard lakes Are The Dark Horse. Et inutile de vous dire que le cheval n’est pas vraiment ce qui se fait de plus confortable ! Car malgré l’ambiance propice à l’intimité, finalement on verra assez peu d’interaction entre la scène et le public. La faute à un public finalement assez peu impliqué, car Jace Lazek, malgré une personnalité assez peu communicative sur scène, fera des efforts pour amener le public vers lui, bien soutenu là-dedans par Olga Goreas.
Et que dire de la prestation de The Besnard Lakes sinon qu’ils ont fait le job ? Certes, on aura une majorité de chansons issues du dernier opus, mais surtout un set bien ficelé et bien agencé, de façon à alterner de façon efficace, aussi bien techniquement qu’émotionnellement, entre énergie et contemplation. Ces derniers moments suspendent le temps comme jamais. La voix d’Olga finit par nous porter définitivement sur ce fameux cheval galopant, vers des terres inconnues. 46 Satires, qui ouvre Until In Excess Imperceptible UFO en est l’exemple flagrant. Mais il est loin d’être le seul, For Agent 13 ou encore Catalina, prennent aussi une part importante à la mise en place d’un univers où le bleu est la couleur prédominante. Une espèce d’univers que peut créer par moment The Flaming Lips ou le style post rock soft. Non pas un univers froid, plutôt quelque chose de mystérieux, quelque chose du coup de très attirant où la raison n’a plus en fait de raison d’être. Et le dark horse paisible et enivrant vient être perturbé sur son chemin par des chansons à mi-chemin, comme Albatross ou la magnifique The Specter, par exemple et pour être vraiment plus chahuté avec le dernier single de Besnard Lakes, People Of The Sticks qui prend une vraie dimension en concert, mais surtout par la formidable And This Is What We Call Progress avec cette ligne de basse qui ne peut laisser de marbre. On se rapproche alors vraiment du shoegazing à la Bloody Valentine ou peut-être plus de Ride.
S’il fallait apporter un bémol à tout cela, il faudrait parler du chant. Si Olga Goreas emporte son monde, la voix de Jace Lazek ce soir-là laissera par moments à désirer, notamment lorsqu’il part vers les aigus sur Colour Yr Lights In. Quel dommage de se forcer à aller si haut quand on dispose d’une jeune fille qui le fait tout aussi bien sans avoir à tirer sur la corde ! Le dark horse nous aura finalement mené à bon port, un trajet qui sera passer comme une lettre à la poste, quasiment trop court rapide en fait.
Ceci étant, encore une fois, le public toulousain aura laissé de côté une prestation intéressante en boudant les billets d’entrée, d’une part et en ne se libérant pas réellement une fois dans la salle, d’autre part. Cependant, soyons sûrs que chacune des personnes présententes sera repartie satisfaite de ce concert qui aura finalement tenu sa promesse, puisque lundi matin, il aura fallu du temps pour revenir à la réalité d’une journée de travail sans soleil ! Une autre forme de gueule de bois, après tout.
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