It’s happening again…
Qui l’eût cru ? La salle du Bikini en a pourtant vu défiler, des métalleux énervés, il en subi des coups de boutoir de furieux chevelus. Et pourtant, ce ne sont pas les assauts de guitares saturées ou le martellement frénétique de cogneurs qui tapent sur leurs fûts comme des forcenés qui seront parvenus à faire sauter les plombs de la salle.
Non, le Bikini avait résisté à tout cela mais a succombé aux mélodies aériennes et à la voix sublime et pure comme du cristal d’Agnes Obel qui a fait disjoncter les fusibles de la salle, un soir de mai 2017. Le Bikini est une petite chose sensible. Et nous aussi.
La dernière visite toulousaine de la Danoise remonte à 2011, elle s’en souvient manifestement. Nous aussi, nous y étions. Entre-temps, Agnes Obel a sorti deux albums, Aventine et Citizen of glass, l’an dernier. Une discographie sans aucune faute de goût ni sentiment de répétition. Chaque morceau est un petit miracle d’écriture et d’arrangements, qui a toujours la capacité de susciter un sentiment de bien-être profond, loin des bruits du monde. Pour son dernier disque, Agnes Obel a quitté la sphère de l’intime pour écrire sur la place du citoyen dans nos sociétés des réseaux, où les vies s’exposent dans des publications Facebook ou Instagram. Le citoyen de verre, c’est la transparence de nos existences mises à nu et soumises à la validation de nos entourages. Big brother, c’est nous-mêmes, George Orwell n’aura pas imaginé une telle société d’auto contrôle en 1948, lorsqu’il anticipe la société dystopique de 1984.
Le morceaux de Citizen of glass parlent donc de cela et sur scène, les images vidéos d’Agnes Obel et de son groupe sont projetés avec ce même effet que sur la pochette, comme diffractées, vues à travers le prisme d’un cristal qui multiplie les projections.
Agnes Obel est accompagnée par trois musiciennes, baignées dans une lumière bleue et rose. Le groupe parvient à saisir toutes les nuances mélodiques de titres qui convoquent parfois le souvenir d’une comptine pour enfants. Le son est aérien, la voix réverbérée comme dans un rêve. « Vous êtes bien debout ? », demande la Danoise. Il est vrai que la station assise conviendrait mieux pour écouter une telle musique qui vous plonge dans un doux état de plénitude. La chanteuse introduit les chansons en évoquant les thèmes qui les traversent, l’enfance, le secret, le déracinement, la culpabilité…
On est surpris aussi de l’ampleur que peuvent produire deux violoncelles qui grondent comme un tonnerre, crescendo. On quitte parfois le songe pour être transportés dans un orage qui vous secoue, comme si le monde extérieur voulait reprendre ses droits. Mais ce dont les spectateurs du Bikini ont fait l’expérience ce soir-là, c’est celle d’une parenthèse enchantée et féérique, que tous auraient aimé voir encore prolongée. Un rêve dont on ne voudrait pas se réveiller.
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