Tout amateur de film d’horreur est attentif aux nouveautés précédées d’une bonne réputation, dans l’espoir de voir un jour un successeur digne de ce nom aux classiques des années 80, le dernier Age d’or. Mister Babadook, premier long de l’australienne Jennifer Kent, a tout raflé au festival de Gerardmer. Rempli de bonnes intentions, il ne convainc pourtant jamais vraiment.
Amelia est une mère veuve qui ne parvient pas à faire le deuil de son mari, mort dans un accident de voiture alors même qu’il l’emmenait à la maternité. Six ans après la tragédie, Amelia entretient une relation difficile avec son petit garçon, Samuel. Celui-ci passe ses journées à imaginer des histoires de monstres et des stratagèmes pour les combattre. Vu son caractère turbulent et incontrôlable et les circonstances dans lesquelles il est né, Amelia se laisse dépasser, n’a aucune autorité sur lui et ne parvient pas à l’aimer.
C’est de cette base que part la réalisatrice pour faire place au fantastique, quand Amelia fait la découverte d’un livre pour enfant tombé dans les mains de Samuel, comme par magie. A l’intérieur, des dessins au trait charbonneux et une créature étrange, sorte de croquemitaine : le Babadook. Très vite, le livre s’immisce dans le quotidien des deux protagonistes, le monstre s’incarne et vient posséder Amelia jusqu’à l’amener à la folie, mettant gravement en danger la sécurité de son fils.
On l’a compris : le Babadook, c’est l’incarnation du traumatisme qu’Amelia ne parvient pas à évacuer. À partir de cette métaphore plutôt balourde, mais constituant pourtant tout le postulat du film, Jennifer Kent tente d’effrayer et c’est peine perdue. La faute sans doute à des intentions trop explicites, d’emblée ouvertement affichées. Mister Babadook veut nous parler d’une mère aliénée, incapable de faire son deuil et pourtant désireuse d’une vie normale avec son fils. Dès lors, impossible de croire à cette affaire de Babadook, le film nous lance trop vite sur la piste de l’explication psychologique. Le fantastique, pour vraiment faire peur, doit jouer sur le mystère, le doute, la très fine ligne qui sépare l’imaginaire du réel. Ce doute éclipsé si vite, les effets de terreur et le volume sonore conséquent supposé faire sursauter l’audience sur son siège tournent à vide.
L’autre écueil du film, c’est sa direction artistique trop visible. Là encore, les intentions sont louables, mais finissent vite par donner un effet “bonne copie” : ici est privilégiée une palette de couleurs réduite, avec des préférences pour le rose pâle, le bleu pétrole, le noir, etc. Les textures sont celles du bois, du fer. Bref, c’est bien fait, mais c’est surtout fait pour que ça se voit, que c’est bien fait. Pourtant, le fantastique trouve son terreau dans le réalisme, il doit faire son nid dans le quotidien pour pouvoir terrifier. Du coup, toute l’attention portée aux décors et aux costumes réussit seulement à nous sortir du film, à nous ôter toute croyance. Quant-à l’inspiration picturale cherchée dans l’expressionnisme allemand (et explicitement citée, au cas où la référence nous aurait échappée, via des images diffusées par le poste de télé), faut-il préciser qu’en 2014 elle a tant été vue qu’elle ne fait plus guère d’effet ? A l’inverse, si Under the skin parvenait récemment à glacer le sang, c’est parce que ses images semblant sorties d’un film expérimental, une fois introduite dans un cinéma narratif et de surcroît d’épouvante, produisent de l’inconnu, du mystère. Parce que la nature de ce qui est montré est non identifié, ça peut potentiellement terrifier.
Parce qu’il semble continuellement fournir une masse d’efforts faire croire à ce qu’il mon(s)tre, Mister Babadook est un film honnête, mais scolaire. Parmi ses choix judicieux, il faut signaler les séquences en stop motion où les illustrations du livre s’animent et le choix d’effets spéciaux artisanaux qui auraient pu mieux convaincre par le façonnement de l’objet de la peur dans le matériau du réel. L’actrice principale Essie Davis et le très jeune Noah Wiseman, malgré tout, s’investissent corps et âme. Ils sont impressionnants.
Note: