Les œuvres du Studio Ghibli ont toujours connu des sorties très aléatoires sur notre territoire en salles et en dvd, sans souci de chronologie aucun. En haute définition, c’est un peu le même désordre qui va de nouveau donner des sueurs froides aux fans, à coup d’annonces, de démentis et de reports, le réflexe pour les plus impatients est de se retourner vers l’import. Les blu rays japonais sont déjà disponibles depuis des mois, sont codés en « region B » ce qui autorise la lecture sur les platines européennes, disposent de bandes sons et de sous titres en français, sont contenus dans de luxueux packagings avec une charte graphique cohérente sur l’ensemble de la collection. Seul inconvénient, et pas des moindres : leur coût. Il faut débourser une cinquantaine d’euros pour un seul film, un peu prohibitif pour les complétistes. Autre alternative : les disques américains distribués par Disney, moins prestigieux dans leur présentation, au catalogue incomplet et qui ne reprennent pas l’intégralité des bonus japonais. Dernier choix : patienter jusqu’au 28 septembre avec la sortie de pas moins de quatre titres en blu ray : Arriety, Bienvenue chez les Yamada, Le château dans le ciel et Nausicaa. Pour ronger sont frein d’ici là, on peut faire tourner sa galette de « Ponyo sur la falaise » qui est absolument somptueux en haute définition à défaut d’être le meilleur Ghibli. Et depuis quelques semaines, c’est Kazé qui a donné le coup d’envoi de ce marathon de sorties en éditant une œuvre « pré Ghibli » loin d’être anecdotique, voire même historique puisqu’il s’agit du premier long métrage de Hayao Miyazaki : Le château de Cagliostro.
Le château de Cagliostro est l’adaptation d’un manga et d’une série télé dont le personnage principal est Lupin III, inspiré du fameux gentleman cambrioleur de Maurice Leblanc. Avec ce film, Miyazaki préfigure l’ensemble des thèmes que l’on retrouvera tout au long de son œuvre, à l’intérieur d’une comédie d’aventure légère et drôle. On reconnaît ainsi la fascination du réalisateur pour ces décors méditerranéens un peu fantasmés avec ces villes de style italien, ces grands espaces de montagnes et de lacs de type alpin (qui sont aussi ceux de Kiki la petite sorcière, Porco Rosso, Le château ambulant), les engins volants incarnés ici par l’autogiro (l’aviation a souvent une place prépondérante dans les films de Miyazaki où l’on retrouve aéronefs, zeppelins, bombardiers…), la découverte de mondes mystérieux et enfouis (le repère caché de Totoro, le royaume de Laputa…), le manichéisme de principe (ici l’ombre et la lumière, dans Conan le fils du futur Edenia et Industria) qui sera vite remplacé par des enjeux beaucoup plus complexes par la suite. Déjà, Miyazaki pose toutes ces constantes qui dessinent les contours d’une œuvre en devenir, globale et cohérente. Il n’y creuse néanmoins pas encore tous les thèmes qui seront ses préoccupations futures mais installe un univers de fantaisie où il mélange avec beaucoup de bonheur et de rythme la comédie et l’action.
Le character design privilégie les expressions avec de grands yeux et des grandes bouches propres au manga qui font le régal des enfants et certaines séquences reposent sur des ressors de comédie assez irrésistibles, telles que la course de Lupin sur les toits du château. Le personnage principal est en outre habilement caractérisé, gouailleur, audacieux, provocateur, malin, chevaleresque, c’est un vrai plaisir pour le jeune public. Les plus grands reconnaitront peut-être des modèles qu’on peut aller chercher du côté de ces films de Philippe de Broca interprétés par Jean-Paul Belmondo : L’homme de Rio, Le magnifique, L’incorrigible ou Pierrot le Fou de Godard. Le château de Cagliostro s’appuie sur un rythme qui alterne l’humour et l’action sans faiblir. Les péripéties sont sans cesse renouvelées et tirent profit de décors qui sont ceux d’attractions foraines avec ses chausses-trappes, ses pièges, qui recèlent ses mystères et ses dangers. Le film convoque en outre ponctuellement une certaine nostalgie inhabituelle dans ce genre de production destinée prioritairement aux enfants.
La redécouverte est un immense plaisir d’autant plus que contre toute attente, Le château de Cagliostro est présenté dans une édition de très bonne facture. On ne compare évidemment pas avec les standards de l’animation actuelle, mais pour un film de 1979 dont le dvd édité par Manga Vidéo était peu flatteur, c’est une bonne surprise. L’image est stabilisée, la colorimétrie respectée, les défauts de pellicule pour l’essentiel ont été effacés, le confort de visionnage est considérablement amélioré. Le doublage français a été refait, il semble correspondre davantage à l’esprit des personnages dans les voix. Cependant, on privilégiera la version stéréo au mixage 5.1, artificiel où l’écho fait figure d’espace multi-canal. L’achat est donc indispensable et incontournable pour qui veux revenir aux racines du Studio Ghibli, en comprendre les fondements et l’évolution.
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