Pour l’ouverture de la 25ème édition de la Route du Rock, le festival malouin a mis les petits plats dans les grands. Cette première soirée délocalisée pour l’occasion dans la salle de la Nouvelle Vague avait fière allure, et un vrai potentiel pour attirer le plus grand nombre. En présentant deux pointures telles que The Notwist et Sun Kil Moon, la salle n’a pas eu de difficulté à se remplir.
La première surprise de la soirée sera d’être accueilli à l’étage par un DJ de marque aux platines et qui aura fait preuve à la fois de sa connaissance et de son bon gout musical. Ce DJ était Ludovic Renoult, c’est à dire le président de Rock Tympan qui organise le festival. Il fera son office de belle manière en attendant l’entrée sur scène d’un certain Mark Kozelek.
Après avoir écumé les salles de concert sous son propre nom mais aussi celui de Red House Painters jusqu’au début des années 2000, Mark Kozelek est désormais le leader de la formation Sun Kil Moon qui a connu sa plus grande renommé l’année dernière avec la sortie de l’album Benji. Très prolifique, le groupe n’a de cesse de produire de nouveaux albums puisque le dernier en date Universal Themes est sorti à peine un an plus tard, en juin 2015. Le prochain serait d’ailleurs déjà en route.
Avec une telle carrière, Mark Kozelek n’est pas du genre à se laisser démonter et à faire des concessions. Avec son air blasé ou aigri, il débute son set qui sera quasiment tout du long sur la même teneur. Pas d’envolée folle, pas de raisonnance à outrance, non. Sun Kil Moon déroulera sans complexe et à Mark Kozelek de faire le show. Avec sa voix puissante mais pleine d’émotion, il se lance dans ce qui pourrait être décrit comme un slam au fil des chansons qui se ressemblent toutes plus ou moins. Cependant, le personnage est tellement charismatique et étonnant, qu’on se laisse entrainer dans ces histoires de la vie courante. En grande forme, Mark Kozelek n’hésite pas à échanger avec le public, même si c’est exclusivement en anglais. Dès la fin de la première chanson, il regrette, plein d’humour, la défection de Bjork pour le festival, ce qui ne manque pas de faire réagir. Il s’empressera de crier par la suite qu’en revanche Sun Kil Moon est là !
Et il n’avait pas besoin de le préciser ! En pleine chanson, Mark Kozelek n’hésite pas à changer les paroles afin de remercier un journaliste, à qui il vient de subtiliser l’appareil photo, pour ce formidable et dispendieux cadeau ! « No Photo please » lorsqu’il rend l’objet. Il demande tout de même s’il s’agit là d’un fan ou d’un journaliste, mais la réponse ne manquera pas de rappeler qu’il n’est pas très à l’aise avec le métier !
La suite sera de la même teneur, le concert mettant notamment en avant les deux derniers albums sortis, et emportant un public connaisseur dans le sillon. On écoutera religieusement The Possum et Carissa par exemple ce qui n’empêchera à aucun moment la communication avec le public. Elle sera continue, réclamant des applaudissements aux annonces des chansons, racontant diverses histoires, tout cela pour finir sur une chanson spéciale et unique ou Mark Kozelek prendra le temps de présenter ses comparses et d’inviter le xylophoniste de The Notwist. Un joli finish pour un concert de qualité et très agréable.
Cependant, il sera sans commune mesure face à ce que nous présentera ce soir-là le groupe allemand The Notwist.
La Route du Rock n’hésite pas à le rappeler, c’est une première mondiale à laquelle nous avons assisté ce soir là. En effet, les allemands ont accepté de jouer dans son intégralité l’album Neon Golden, véritable joyau du début des années 2000, sans doute trop méconnu du grand public. Cet album presque parfait, avait à son époque suspendu le temps. A tel point que la bande des frères Acher a mis 6 longues années à sortir un nouveau disque. Une éternité pour les fans.
The Notwist, c’est des types comme tout le monde de prime abord. Pas de code vestimentaire, pas d’égo surdimensionné, juste l’envie de se faire plaisir par la musique. C’est d’ailleurs, un élément essentiel de l’attachement qu’on peut apporter à ce groupe. Car il faut savoir que le style musical du groupe a beaucoup évolué avec le temps. Du punk des débuts, on arrive aujourd’hui à une indietronica plus ou moins mélancolique, le tout dans une évolution quasi naturelle, comme le passage de l’enfance à l’âge adulte. Cette maturité est arrivée à point nommé pour The Notwist pour leur permettre de réaliser un chef d’œuvre, impulsé aussi par un changement de line up.
Et c’est également naturellement que le groupe monte sur scène, très attendu, depuis leur premier passage sur la scène du Fort en 2008, où il avait déjà sans doute réalisé le meilleur concert de la soirée, tenant la dragée haute à Sigur Ros, tête d’affiche de l’époque.
C’est timidement que Markus Acher explique à l’assistance qu’ils vont jouer Neon Golden, mais pas tout à fait dans l’ordre pour plus de distraction. Débute alors un spectacle rarement vu. Après une première chanson permettant les derniers réglages sonores, le tube Pick Up The Phone est lancé comme pour s’en débarrasser. Il n’empêche qu’on ne peut rester insensible à ces notes et surtout à cette magnifique voix de Makus Acher qui jamais ne crie, jamais ne hurle, mais fait pourtant passer toutes les émotions existants dans nos palettes.
D’une aisance folle, The Notwist prend littéralement place sur scène. Pleine d’instruments en tout genre, de la batterie, à la clochette en passant par un xylophone, tout sera utilisé comme pour indiquer que malgré les machines, rien ne remplace vraiment le son de l’objet. Et il faut bien l’avouer, le spectacle est impressionnant, attise la curiosité et le son est inoubliable.
On enchaine des tubes en puissance les uns après les autres, des chansons qui transpirent la nostalgie, la vie, l’énergie, le rock. Comment rester impassible devant One With The Freaks, le banjo de Trashing Days, le violon dépassé par l’électronique dans Solitaire ? A quoi bon poursuivre, on pourrait citer toutes les chansons de l’album sans sourciller.
Le rendu scénique est d’une qualité rare. On ressent tout le travail du groupe pour réajuster la setlist et permettre des échappées folles vers l’électronique. L’autre tube Pilot sera d’ailleurs le joyau du set, littéralement coupé en deux par 3 ou 4 minutes qui sont vraiment de pures envolées électro. On se sent dans un nouveau concert et très emballé par ce nouveau son. La chanson se clôture par un retour au refrain, ce « Could Be Enough« , imparable.
Il n’y aura sans doute pas de mots pour décrire au plus proche ce concert. Tous les heureux présents, n’auront de cesse de répéter les trois autres jours du festival combien ce concert fut marquant.
Neon Golden passé en revue, The Notwist peut alors s’en donner à cœur joie en reprenant leur meilleurs titres des autres albums. A commencer par Kong issu du dernier album en date de The Notwist, Close to the Glass. Le début est difficile, mais le finish encore incroyable et motif pour repartir dans des horizons électroniques. On retiendra également la fabuleuse Boneless de The Devil, You and Me, qui met tellement bien en valeur la voie de Markus Acher. Quelques autres seront de la partie pour donner à ce show une durée de vie plus qu’acceptable.
Une véritable ovation sera par ailleurs offerte au groupe qui ne regrettera sans doute pas d’avoir fait un gros détour dans leur tournée initiale. Et à vrai dire, nous non plus !
Note:
Crédit photo : Nicolas Joubar