Un cochon qui pourrait rapprocher un Palestinien et une Israélienne…
C’est le propos, pour le peu osé, du très bon film de Sylvain Estibal : « Le cochon de Gaza ». Le pari n’était donc pas facile, mais il est largement gagné car si le film nous invite à la comédie déjantée et au burlesque assumé, il ne tombe pas pour autant dans les travers de la facilité et du grand guignolesque.
Peut-on rire de tout ? Manifestement oui, cela prouve au moins que tout n’est pas perdu.
Jafaar est un pêcheur Palestinien dont le bateau navigue péniblement au large des côtes de Gaza. L’interdiction de pêcher au-delà des 4 kilomètres du rivage réduit considérablement la récolte de poissons au profit d’immondices s’échouant dans une Méditerranée de plus en plus polluée. Notre pécheur accumule des dettes et a du mal à nourrir son foyer. Un beau matin, ce n’est pas un beau poulpe que remonte notre marin mais plutôt un énorme cochon tombé d’un cargo quelconque. Ne pouvant se résoudre à le tuer, il apprend que les colons juifs d’à côté les élèveraient pour les vendre aux occidentaux. C’est alors que s’installe un commerce porcin peu avouable entre Jafaar et Yelena, l’éleveuse de porcs de la colonie.
La force du film tient avant tout au fait qu’il ne prenne pas parti pour l’un ou pour l’autre camp. Il montre simplement les situations humaines vécues et subies par l’ensemble des protagonistes de cette guerre sans fin : une Palestine démunie et sans reconnaissance politique dont le désespoir forme des suicidaires meurtriers et un Israël ultra sécurisé et vengeur qui ne sait que faire de ses colonies illégales et de ses habitants surarmés sans autre terre. L’ironie et l’insolence du réalisateur n’épargnent donc personne : des extrémistes arabes à la violence aveugle, aux militaires de Tsahal humiliants et paranoïaques, jusqu’à un fonctionnaire des nations unies pris de panique dans son incapacité de faire évoluer la situation.
Une autre voix que celle de la violence serait-elle possible ? C’est donc par le plus petit dénominateur commun entre les deux peuples que ce film tend à envisager malicieusement une solution.
Après la vision de ce film, nous sommes partagé entre deux sentiment contradictoires : le fatalisme et l’espoir, la tristesse et la bonne humeur. On pourrait certes regretter la patine naïve et définitivement optimiste de cette histoire rocambolesque, mais comment peut-il en être autrement après tout ? Difficile de croire que l’incapacité des êtres humains à vivre ensemble aura le dernier mot, même concernant un sujet aussi complexe.
Cette fable nous raconte aussi que l’histoire des peuples peut se réaliser aussi grâce à la somme d’histoires individuelles. Et ce, au-delà des clichés et des politiques qui tendent à réduire l’identité, la richesse et la volonté des personnes à leur nationalité.
La Palestine et Israël ressemblent véritablement à cette barque dans laquelle Jafaar et Yelena se disputent dans une très belle séquence : ils n’ont pas le choix, il faut bien vivre ensemble, dessus, dedans, tenir et tenir encore. Car personne ne pourra survivre en dehors de ce dernier refuge. Et qui sait sur quelle terre commune et apaisée cette embarcation pourra les emmener ?
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