Les jambes se font lourdes. Deux jours à rester debout et à danser, ça use, mais l’envie est toujours palpable au Festival rock de St Malo. La journée semble plus clémente côté météo, un temps idéal pour se rendre à la plage où nous assistons, aux abords des remparts de St Malo (et dans l’eau), au concert de Trésors qui aura attiré tout de même pas mal de curieux. Se faire dorer la pilule en écoutant un concert est une sensation qu’il faut vivre au moins une fois dans sa vie. D’autant plus que la musique de Trésors – dont l’album Missionnaires est une petite perle – est de très bonne facture. On découvre ici encore un artiste de qualité qu’on aurait sans doute aimé voir au Fort et qui méritera qu’on s’y attarde davantage par la suite.
De retour au Fort St Père grâce aux fameuses navettes qui relient sans cesse la ville au festival, c’est Windowspeak qui a la charge d’ouvrir le bal. Les Concrete Knives, que l’on rencontre en conférence de presse au même moment nous indiquent à quel point ils apprécient leur musique. Nous les croirons donc sur parole, même si visiblement, la prestation aura encore une fois divisé le public, dont la moitié attend de plus en plus impatiemment un concert de rock, du vrai !
Malheureusement, ce n’est pas Junip qui va aller dans ce sens. Le trio suédois qui présente ici son second album éponyme, même s’il ne va pas déchainer les foules sur des riffs de guitares hallucinants, sera cependant l’auteur d’une des meilleures prestations de cette 23ème édition. Comment résister à des titres aussi imparable que Your Life Your Call, ou encore Line Of Fire qui transcendera le public avant un petit rappel ? La puissance mélodique du groupe, et surtout la voix impressionnante de José Gonzalez – magnifique de justesse – à en faire trembler même les plus insensibles, feront de ce concert un moment qu’il ne fallait pas manquer.
Arrivent alors les Concrete Knives qui vont enfin faire bouger un peu tout ça. Les locaux de l’étape – originaires des alentours de Caen à quelques kilomètres de là – vont eux aussi nous surprendre avec une prestation assez réussie. Le groupe révélé il y a quelque mois avec leur premier album Be Your Own King, et que nous avons rencontré, nous explique comment il s’intègre petit à petit dans ce monde musical où il côtoie des artistes qu’il admire. Tout s’est passé très vite pour lui, puisque c’est à l’issue d’un concert que Simon Raymonde, créateur du label Bela Union et au passage membre de feu Cocteau Twins, les aborde et lui propose directement de signer sur ce fameux label. Ainsi les Concrete Knives se retrouvent sur le même catalogue que Fleet Foxes, Beach House ou encore Midlake. Cela s’est même passé un peu trop vite, car le groupe avoue ne pas avoir eu la chance de tout contrôler, de dire non à certaines chose, par crainte de l’inconnu, de la confrontation, mais aussi par inexpérience. A l’heure où ils débutent l’écriture du second album, en prévision pour septembre 2014 et qui semble se vouloir plus sombre, moins sautillant, ils entendent bien se laisser un peu plus de temps pour prendre les bonne décisions et moins subir.
En attendant de nouvelles réjouissances, c’est sans complexe que les Concrete Knives arrivent sur scène. Fort de petits tubes en puissance comme le désormais bien connu Brand New Start ou la superbe Greyhound Racing, la sauce n’a aucun mal à prendre, le plaisir d’être sur scène se fait réellement ressentir et est visiblement contagieux puisque le public s’y laisse prendre. L’énergie folle de la bande à Nicolas Delahaye et de Morgane Colas, la jolie chanteuse, se mélange à l’envie de proposer des choses, comme l’arrivée du petit Zacharie sur scène, un neveu semble-t-il, mais aussi cette surprenante reprise de Comes The Hotstepper de Ini Kamoze. En revanche, Morgane Colas aura très vite compris qu’à la Route du Rock il est difficile de faire un slam, mais il était culotté d’essayer !
Après ce set enthousiasmant, on poursuit sur la même lancée avec Parquet Courts, qui va envoyer du gras. Lancé sur la scène des remparts, nous assistons à un des concerts les plus engagés physiquement. Le public habituellement plutôt stoïque de la Route du Rock se surprend à s’agiter sérieusement et les slams, cette fois-ci, s’enchaînent sur la petite scène. On pense immédiatement à Wire quand on écoute ce jeune groupe, puisqu’il enchaîne très rapidement des morceaux plus courts et intensifs. Le punk rock proposé est certes un brin répétitif, comme pas mal de choses dans ce style musical, mais ça fait du bien par où ça passe, notamment avec des titres comme Borrowed Time, simplement génial.
Alors, lorsqu’on se rend sur la grande scène, on n’attend pas grand chose de Tame Impala, énième groupe à la mode qui pourtant nous réservera une bien belle surprise. Il faut bien avouer qu’il est difficile de rester de marbre face des chansons comme Mind Mischief, Feels Like We Only Go Backwards, Elephant, et un paquet d’autres… Parce qu’il y a en réalité assez peu de déchets dans les chansons de Tame Impala. On pouvait s’attendre à un copier-coller de l’album, on se rend vite compte qu’avec le temps et le nombre de concerts qu’ils enchainent, les compère de Kevin Parker ont pris du galon et jouent de plus en plus avec leurs chansons en étirant, en interrompant et reprenant les morceaux. Ils surprennent et enthousiasment un public très rapidement conquis. Avec un visuel assez simple, Tame Impala finit par tenir son rend de tête d’affiche, et c’est tant mieux !
Et c’est à ce moment-là que Suuns fait son apparition. Relégué bizarrement sur la petite scène, on ne le sait pas encore, mais on va assister-là à un grand moment. Commençant par les chansons les plus difficiles d’accès de leur dernier opus Images du Futurs, c’est à dire Music Won’t Save You et Images du Futur, elles sont aussi les plus impressionnantes. Suuns ne fait aucune concession et trie d’entrée le public. Ça c’est du cran ! Mais à vrai dire, ce tri n’aura pas lieu, ceux qui auront réussi à s’approcher ne laisseront pas aussi facilement leur place, puisqu’on est directement happés par ce son venu du futur des Canadiens. Habitué de la route du rock, Suuns a un véritable succès d’estime et lorsqu’on pénètre des chansons plus accessibles comme Arena et Edie’s Dream, comment ne pas prendre son pied ? Ils se paieront même le luxe de ne pas jouer Minor Work, pourtant un excellent morceau. Un concert grandiose, avec une grande classe, dont on n’a pas souvenir d’avoir eu de retours négatifs.
Nous assistons à une journée sans faute jusqu’à maintenant, c’en est même impressionnant car la fatigue se fait sentir de plus en plus, mais la tête et l’envie ne nous laissent pas sentir la douleur ! N’ayant presque plus de pauses entre chaque concert, on enchaîne sans avoir la possibilité de débriefer avec les copains…
Ce n’est sûrement pas Disclosure qui va stopper cette cadence et surtout pas Hot Chip qui se présente maintenant sur la grande scène. L’autre grand groupe du soir va prouver à tout le monde que c’était bien lui la tête d’affiche du samedi ! La petite troupe emmenée par le tout aussi petit Alexis Taylor, va littéralement exploser la soirée grâce à des chansons exécutées avec précision et intensité. Auteur d’un dernier album hallucinant – In Our Head – ils vont enchaîner les perles et mettre le feu au Fort St Père. C’est d’ailleurs ce cinquième album qui sera à l’honneur ce soir-là, mais avec des titres comme How Do You Do, Night and Day ou encore Don’t Deny Your Heart, c’est un vrai régal, d’autant plus que les tubes de leur carrière seront bien entendu de la partie. Quel plaisir d’entendre Over and Over ou Ready For The Floor. D’autant plus que la présence scénique du groupe en cette soirée est impressionnante. Alexis Taylor alpague régulièrement le public, les contre temps, la rythmique, les jeux de lumière, tout est fait et maîtrisé à la perfection pour faire de ce show l’un des meilleurs de cette Route du Rock et confirme que Hot Chip reste absolument l’une des meilleures formations dans ce style électro pop dansant.
Après ça, Disclosure, groupe aussi très attendu ce soir, va avoir bien du mal à remonter la pente. Avec ce visuel franchement bien fichu et des chansons qui sonnent eighties, c’est vrai qu’on se laisse volontiers emporter. Là aussi, pas de round d’observation, ça envoie directement les gros beats, il n’est pas question de s’endormir. Avec un seul album à son actif – Settle – mais déjà avec une renommée importante, Disclosure doit faire ses preuves sur scène. Le duo s’en sort plutôt bien sans pour autant parvenir à faire passer autant de choses que les deux groupes précédents. Certains seront fortement gênés par les voix féminines samplées à l’ensemble des chansons, qui font pourtant le piment du groupe. Il est vrai que personne n’assumait ces parties vocales sur scène. Dommage, cela aurait apporté sans doute la touche finale pour réussir complètement son coup. Quoiqu’il en soit, Disclosure remplit son office en nous convaincant et clôture cette soirée et le festival en beauté.
Au final, avec un peu de recul, ce qui nous vient à l’esprit, c’est une simple phrase qui sort directement des tripes : « Mais Quelle soirée ! ».
Cette 23ème édition aura laissé un bon nombre de souvenir impérissable entre Nick Cave, Godspeed You, Hot Chip, Tame Impala et Suuns. Les têtes d’affiche ont répondu présent tandis que du côté des découvertes, Junip aura remporté la palme, simplement énorme. Les Allah-Las et Parquet Courts ont crée la surprise et on saluera aussi à juste titre et pèle mêle Zombie Zombie, Bass Drum of Death, Disclosure, les Concrete Knives, Electric Electric, !!!, et Fuck Buttons. En résumé, la Route du Rock aura cette année tenu plus que ses promesses. Et on en redemande… Vivement l’année prochaine !
Crédit photos : Nicolas Joubard
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