Autant le dire d’emblée, Rêves sanglants,  film d’horreur très typé 80’s, exhumé dans la section Les Pépites de l’Etrange, n’a rien d’inoubliable. Raison pour laquelle, sûrement, il s’est vu vite éclipsé par d’autres mastodontes de la même période, autrement plus denses, tels que les films de Carpenter ou du regretté Wes Craven. Il y a un goût de Cronenberg, aussi, dans cette histoire de télépathie.

Après avoir tenté de se suicider par noyade en public, un jeune inconnu se voit recueilli par l’hôpital et pris en charge par Gail Farmer, psychiatre. Après qu’elle ait tenté de lui soutirer des informations sur son identité sans succès, Gail rentre chez elle et voit son patient s’introduire dans son domicile. Pourtant, quand la police arrive, le jeune homme a disparu et nulle trace d’effraction ne subsiste. Gail comprend peu à peu que son protégé transmet, de manière involontaire, ses rêves à son entourage. D’abord la seule à subir cet effet de télépathie, Gail se heurte à l’incrédulité de ses collègues. Jusqu’à ce que ce soit tous les occupants de l’hôpital, personnel comme patients, qui deviennent récepteurs des rêves de l’inconnu.

Cité par Tarantino comme son film d’horreur favori de 1982, The Sender déroule son intrigue sans grande surprise. Car passé la demi-heure d’exposition, autant dire qu’on a compris de quoi il retournait. Pourtant, le film de Christian n’est pas dénué de qualités. En premier lieu, sa mise en scène opère de manière discrète, précise, préférant continuellement jouer de l’inscription des personnages à l’intérieur du cadre plutôt que de recourir au spectaculaire. Les séquences glissent ainsi du réalisme à l’onirique de façon très subtile, le rêve s’invitant sans crier gare, sans effet racoleur. Les scènes de télépathie sont néanmoins assez impressionnantes, à l’exemple de celle où, sous l’effet de l’électrothérapie, John Doe communique à tout l’hôpital ses visions cauchemardesques. Ou bien encore, plastiquement superbe, celle où les miroirs se fendent et laissent couler des flots de sang alors que le patient s’enfonce du verre dans les veines. Plus que pour son scénario plutôt convenu, c’est pour ces moments-là que The Sender mérite l’attention.

sensuela-teuvo

C’est une généreuse idée qu’a eu Guy Maddin en programmant ce somptueux nanar qu’est Sensuela pour sa Carte Blanche. À l’en croire, c’est après qu’on l’ait accusé d’avoir plagié Teuvo Tulio, finlandais spécialisé dans le mélo, que Maddin s’est penché sur sa filmographie.

Sensuela est l’ultime réalisation de Tulio. Un film érotique très drôle, même si l’on ignore dans quelle mesure c’est volontaire.

Pendant la guerre, un pilote nazi, Hans, s’en va s’écraser en Laponie. Là-bas, il est secouru par les locaux, des éleveurs de rennes aux nombres desquels compte la charmante Leila. Ils tombent amoureux, mais Aslak, le père de Leila, voit leur union d’un mauvais œil. A noter que parmi ses talents, Aslak compte sa technique de castration des rennes, qu’il pratique… avec les dents !

Après la guerre, devenu reporter, Hans revient en Laponie et retrouve Leila. Il l’emmène avec lui vivre en Finlande, mais bien vite la jeune femme va déchanter. Hans l’abandonne et elle tente alors de survivre grâce à des petits boulots et en partageant une chambre avec une amie prostituée. Pendant ce temps, elle continue d’écrire à son père en lui faisant croire qu’elle a épousé Hans.

Le film, venant de bénéficier d’une restauration, a été montré dans une copie splendide, permettant de prendre la mesure de sa richesse chromatique. Car qu’il filme les paysages lapons ou bien des appartements dans une touche très kitsch années 70, Tulio fait toujours montre d’un certain sens de la composition. Mais surtout, il contourne son manque de moyen par des trouvailles visuelles qui, à défaut d’être très convaincantes, sont en tout cas hilarantes. Parmi celles-ci, il faut citer les inserts sur des rennes empaillés animés manuellement quand ceux-ci se font châtrer (à l’aide de la bouche, ne l’oublions pas) par Aslak. Les bruitages sont quant à eux aussi imprécis, quant au jeu des acteurs, il est souvent consternant. Ils sont d’ailleurs amenés à se dénuder de manière tout à fait gratuite assez régulièrement.

Et pourtant, Tulio semble croire à son histoire et la mène avec un certain sérieux, qui fait qu’on ne rit jamais vraiment au dépend du film, toujours sympathique. Il atteint son sommet quand Aslak, furieux, comprend que Hans a roulé sa fille, et pour se venger décide de lui faire subir le même sort qu’à ses rennes mâles. Par ses péripéties surréalistes et son sens du détail incongru, pas de mystère quant à pourquoi cette pépite a conquis le cœur de Guy Maddin.

Rêves sanglants
Note: ★★★☆☆

Sensuela
Note: ★★★★☆

partager cet article