Vous êtes sûrement déjà arrivés à la conclusion, au moins une fois dans votre vie, que ce que vous êtes en train de vivre est un réel cauchemar. Si ce n’est pas le cas, ou bien vous êtes extrêmement chanceux ou bien vous avez vous avez du mal à discerner le bien du mal.
Si vous êtes vous-même en train de vivre une de ces périodes de crise, dites-vous que ce n’est rien comparé à d’autres, sans vouloir ressasser l’éternel couplet des millions de gens qui meurent de faim, qui sont actuellement en guerre, ou encore ceux qui vont bientôt être imposables à 75 %…
Parlons plutôt de la petite ville Chester’s Mill, petite bourgade toute paisible au fin fond de la Nouvelle Angleterre, avec des habitants plus sympathiques les uns que les autres et qui coulent des jours heureux à travers une vie simple faite de petits riens. Et bien, un beau jour ensoleillé, cette ville s’est trouvée sans aucune raison ni explication, prise au piège d’un immense dôme. Bien sur, celui-ci est complètement transparent et fort résistant, à tel point que nul ne peut s’échapper. Une véritable prison. De quoi faire relativiser, donc.
Cette histoire est celle qui nous est racontée dans une des dernières séries de CBS, très justement nommée Under The Dome. Avec l’ambition affichée de n’être qu’une série estivale, on pouvait s’attendre à une chose sans prétention qui aiderait à passer des vacances sympa en famille. En réalité, la série dépasse littéralement toutes les attentes de la chaîne, en réunissant plus de 10 millions de téléspectateurs par épisode durant l’été. Pourtant, habituée au succès, avec NCIS, How I Met Your Mother ou encore The Big Bang Theory, CBS éprouve donc encore les joies de petits miracles télévisuels. Showtime qui a renoncé à commander la série doit d’ailleurs s’en mordre un peu les doigts.
Le casting explique sans doute ce succès. L’un des personnages principaux est interprété par Dean Norris, le beau frère de Walter White travaillant aux stups dans Breaking Bad, la série devenue culte. Accompagné par Mike Vogel de Bates Motel ou encore par la jolie Britt Robertson de The Secret Circle, Under The Dome bénéficie d’une distribution plutôt intéressante pour une série estivale.
Inspirée par le roman éponyme de l’incontournable Stephen King, l’histoire repose sur des bases solides. On retrouve ici des thématiques déjà rencontrées maintes fois, aussi bien dans la littérature que dans d’autres séries à succès : une situation globale assez critique pour un groupe de personnes contraintes de vivre ensemble et de recréer un début de civilisation avec toutes les difficultés que cela représente.
Les inspirations sont nombreuses depuis l’inaugural 1984 de Orwell. On retrouvera notamment les mêmes questionnements que chez Stephen King dans L’aveuglement de José Saramago, où la population se retrouve atteinte d’une subite cécité blanche, avec une contamination très rapide. Côté séries, on pense rapidement à l’un des derniers succès actuels, avec The Walking Dead, mais aussi Lost dont Brian K. Vaughan était déjà le scénariste. Différentes causes, mêmes effets.
Ici, la variante est donc un Dôme. Les Simpsons, le film est sans doute passé par là. Mais l’idée est attirante. D’autant que le pilote de la série est franchement une réussite. Porté par des effets spéciaux très réalistes – sans pour autant être trop usités – on se surprend à rechercher une explication rationnelle, avec peu de chances d’en trouver une. Encore une fois, sans innovation marquante, le récit captive. Les différents protagonistes de l’histoire sont présentés les uns après les autres, avec leur propres intrigues jusqu’au moment fatidique, celle de l’apparition du Dôme. Avec cette scène, frappante, d’une pauvre vache se trouvant malheureusement sur le tracé du dôme et qui sera tragiquement coupée en deux dans sa longueur. Mais aucun animal n’a souffert durant le tournage, nous a-t-on assuré.
Au-delà des difficultés d’ordre technique et organisationnel que peuvent être la nécessité de se nourrir, se loger et de se protéger face aux dangers, ces catastrophes sont aussi le moyen de faire remonter à la surface les instincts les plus bas de l’Homme. Les différentes déviances enfouies au plus profond de cette vie apparemment paisible vont devoir être dissimulées davantage plus. Ainsi, en plus de lutter pour sa survie, il faut aussi s’acharner à faire en sorte que les plus ou moins grosses bêtises qu’on a faites en toute impunité restent bien à l’abri des regards qui malheureusement, du fait de nouvelles données sociales, se sont considérablement rapprochés.
Et il faut croire que Chester’s Mill, sous ses airs de petite ville paisible, regroupe un paquet de mecs quelque peu tordus : un Maire enfoui sous un tas de bidouilles politiciennes avec le Sheriff du coin et avec le Révérend légèrement cinglé, un étudiant pas très futé qui va persécuter sa petite amie, un beau gosse ténébreux dont on ne connaît pas vraiment le passé et bien d’autres. Tout ce petit monde forme une communauté à laquelle on s’attache et qu’on aime à suivre dans ses évolutions. Les interrogations sont toujours là. Que se passe-t-il, comment vont-ils s’en sortir, que font les gouvernements pour aider la petite ville ? Et assez intelligemment, la série apporte petit-à-petit des réponses à tout cela, évitant ainsi le piège assez classique de ne jamais rien révéler et donc le risque d’ennuyer les téléspectateurs.
Le problème de Under The Dome est plus délicat. Ces personnages – sensés être rationnels et intelligents – prennent de mauvaises décisions. Et plus on avance dans l’histoire et plus ces décisions sont grotesques. On se demande même par moments, si les habitants de Chester’s Mill prennent le temps de réfléchir, maintenant qu’ils n’ont plus de travail et qu’ils disposent d’un peu plus de temps libre. De même pour les crises récurrentes qui arrivent. Un beau jour, les gens pillent les magasins, dans l’anarchie la plus totale, mais grâce à une pluie soudaine, il n’y a plus d’émeute. Il se dit alors qu’il serait utile de désarmer la population pour éviter les tueries et un simple message du maire suffit pour que les habitants apportent gentiment leur artillerie au commissariat. Ne serait-ce pourtant pas le moment pour tout à chacun de garder une arme au cas où certains ambitionnent de s’emparer du peu de nourriture qui reste ? Bref et il y a d’autres exemples…
La série croule petit à petit dans les facilités. Dommage, alors qu’on avait là des éléments très intéressants à développer. On pourrait croire que la contrainte du temps d’une unique saison explique ces facilités. On pourrait. Sauf que des nouvelles intrigues apparaissent sans arrêt, sans réelle profondeur, comme l’arrivée du personnage de Maxine à quelques épisodes de la fin. Plutôt que d’approfondir les éléments déjà présents, les scénaristes préfèrent en ajouter à d’autres.
Au bout du compte, seul le personnage du Dôme porte la série. Pourquoi est-il là, comment agit-il ? Ce sont ces questions qui sont intéressantes. Les personnages de Colin Ford et de Mackenzie Lintz entretiennent l’intrigue la plus aboutie et ce sont ces personnages que l’on va aimer suivre tout au long de la série. Avec des non réponses sur le dôme apportées tout au long des épisodes, on nous tient en haleine et ça a un goût de reviens-y !
Au final, Under The Dome avait l’étoffe d’une vraie belle série. Mais elle rate le coche à cause de conséquentes faiblesses scénaristiques. Si la série est plaisante et se laisse regarder avec un certain intérêt grâce à une histoire centrale des plus intéressantes, elle est parasitée par des intrigues à la marge, sans imagination et traitées sans rigueur. Ce qui aurait été acceptable pour une série estivale, le deviendra sans doute moins maintenant que l’on sait qu’il y aura une deuxième saison. La suite se fait attendre, avec une pointe d’appréhension. La série sera diffusée en France, M6 en ayant acquis les droits.
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