Il est bien difficile aujourd’hui de rivaliser avec Anglais et Américains quand il s’agit de rock. En France, cela fait bien longtemps qu’un groupe n’a pas fait l’unanimité, au point qu’on ne se risquera pas à en citer un. Pour autant, la scène musicale française n’est pas morte et se porte même très bien si l’on englobe les groupes electro-rock, tels Daft Punk, C2C, Justice ou Kavinsky. Reste toujours, bien entendu, la fameuse « chanson française » qui contient toujours des perles, mais qui n’ont pas toutes à voir avec ce que l’on s’accorde à appeler le Rock.
Ceci étant, certains groupes tentent toujours de montrer leur savoir-faire en la matière dans l’hexagone, avec plus ou moins de succès. Pony Pony Run Run, il y a quelques années, Shaka Ponk actuellement et Skip The Use, que nous avons vus lors de leur passage au Phare de Tournefeuille, dans la banlieue toulousaine.
Et c’est une salle véritablement bondée qui attend les Lillois et ce qui frappe immédiatement, c’est la moyenne d’âge du public. On s’attendait forcément à voir beaucoup de jeunes, alors qu’en réalité tous les âges étaient représentés. Sans doute les parents accompagnaient leurs progénitures, mais visiblement ils auront tout autant apprécié le concert. Skip The Use la sortie familiale du dimanche ? Oui et non…
Mené par le charismatique Mat Bastard, d’une énergie folle, très communiquant et toujours prêt à plaisanter avec le public, le groupe lillois va montrer pendant une bonne heure et demie tout son savoir-faire en matière de show en live. Il faut dire que la quasi-totalité des chansons du groupe, sur trois albums, est taillée pour la scène. Depuis le premier opus éponyme en 2009 au tout petit dernier Little Armageddon de cette année, on ne peut pas dire qu’on part en balade avec ces garçons, mais plutôt à bord d’un bolide qui atteint les 100 km/h en moins de cinq secondes.
Boosté par un excellent deuxième album, Can Be Late, qui a fait le buzz grâce à son incontournable single Ghost, Skip The Use va connaître en 2012 une fulgurante notoriété, bien portée par des prestations scéniques plutôt remarquées. Et l’artillerie lourde était de sortie à Tournefeuille : toutes lumières dehors, projecteurs suivant le chanteur au micro qui ne tient pas en place, le son est fort et sonne plutôt bien pour une mise en scène qui est de la partie. De quoi agiter comme il se doit les premiers rangs de l’audience et, une fois n’est pas coutume, le public toulousain répond présent. C’est donc à un joli tour de force que parvient Skip The use, qui semble apprécier le public local, comme aime à le dire Mat Bastard.
A priori, rien à voir avec la sortie familiale. D’autant plus que Skip The Use ne laisse pas la place à un round d’observation, en attaquant d’entrée et sans laisser aucun moment de répit. Avec un démarrage mettant en avant le dernier opus avec 30 Years puis Nameless World – le dernier single ainsi présenté d’entrée avec sa rythmique évoquant le ska – les Lillois entrent dans le vif du sujet, mais c’est davantage la suite qui va soulever le public. L’incroyable enchaînement de l’excellent Anti Slavery, Cup Of Coffee, PIL et enfin Give Me Your Life, des titres essentiels de Can Be Late, ne peut laisser indifférent. Même les plus sceptiques devront bien se laisser aller à secouer la tête. Ça bouge sur scène, ça bouge dans le public, bref ça fonctionne.
Alors la suite du concert sera certes de qualité, Skip The Use sait depuis toujours faire des chansons fortes qui touchent directement un public large, mais n’atteindra malheureusement jamais plus la même intensité. Les titres de Little Armageddon rencontrent le public, mais n’ont pas à la fois l’expérience de la scène ni la force de ceux de Can Be Late. Ainsi Wrong Man, Gone Away ou encore The Story Of Gods And Men, nous font juste patienter jusqu’à l’arrivée en fanfare de la très attendue Ghost, qui remettra tout le monde en selle. Les plus âgés reviennent donc dans la partie, pour ce qui semblera être aussi leur fin de concert. Le titre phare passé, et l’envie retombe, il y a peu de chance que la chanson soit rejouée…
Mais qu’importe, la jeunesse est toujours là, et bien là, comme depuis les premières secondes. Car quoiqu’on en dise, le public aura été présent de bout en bout. Et ce, même pour les animations de notre G.O. du soir. C’est sans doute un des points fort de Skip The Use, cette communion non feinte avec le public. Mat Bastard, use de tout son charme et de son bagout pour emporter le public et à ce petit jeu, c’est un expert. Difficile de faire le moindre reproche à ce qu’on a coutume de demander à un artiste en live.
Mais peut-être qu’un peu de mesure serait propice. Les avis divergeront sans doute sur la sortie du dimanche, mais un concert n’est pas une énorme colonie de vacances. Certes, parler au public, donner ses impressions, faire part d’anecdotes est sans aucun doute une des meilleurs approches possible. Mais faire jouer le public à « un, deux, trois soleil » en allant de droite à gauche entre deux chansons, ou le faire s’asseoir entre deux autres, c’est peut-être un peu trop. Chacun appréciera à sa façon. Dommage pour un concert qui accélère en permanence et qui sait poser des coupures comme pour faire respirer à la fois le public et les musiciens.
Car tout au long du set, des interludes interviendront pour renforcer un spectacle qui déjà n’en avait pas besoin. Mais ne boudons pas le plaisir, notamment quand il est aussi intéressant que le solo de Manamax Catteloin à la batterie. Une façon de faire qui aura le bon goût de nous éviter la triste coutume du rappel prévu d’avance. Mat Bastard profitera d’ailleurs de l’un de ces interludes pour interpréter en solo le titre Être Heureux du dernier album. On est tout de même moins convaincu par ce titre, malgré toute la bonne volonté qu’il contient.
Mais c’est d’ailleurs une critique que l’on peut faire de l’ensemble de l’œuvre de Skip The Use. Au fond, les morceaux sont plutôt plaisants et bien travaillés. Mais à vrai dire, comme d’autres groupes avant eux, le groupe souffre du temps qui passe. Les chansons sont différentes, mais aussi profondément proches les unes des autres. C’est pourquoi petit-à-petit, le concert finit par traîner en longueur. La force des Lillois qui est cette musique instantanée et résolument énergique en devient paradoxalement aussi le point faible. Le manque de variations et pour tout dire, de fond émotionnel dans les titres – surtout dans les mélodies – rend l’œuvre du groupe quelque peu stéréotypée et la cantonne à des moments d’euphorie, uniquement.
Finalement, Skip The Use a tout d’un très bon groupe pour les jeunes qui peuplent actuellement les lycées et sans doute au-delà, aussi bien dans ses valeurs que dans son énergie. Mais, pour en avoir fait l’expérience, aussi bien sur album qu’en concert, sans davantage de profondeur, les Lillois auront bien du mal à passer le cap. Certes, le concert était de qualité, maîtrisé et réellement à la hauteur de l’attente du public. Mais il aura fallu de la patience pour en arriver au bout, aussi étonnant que cela puisse paraître.
Note: