Au sein de l’industrie hollywoodienne, Steven Soderbergh est une figure prépondérante mais également à part. Il a obtenu la palme d’or à seulement 26 ans pour Sexe, Mensonges et Vidéo, et construit depuis une œuvre très reconnaissable, qui alterne films d’auteur touchant parfois à l’expérimental (Schizopolis, Bubble, Girlfriend Experience) ; et blockbusters (série des Ocean’s, Che et l’excellent Traffic)
Son dernier film, Contagion, s’inscrit dans la lignée de ces longs métrages servis par des stars et à destination du grand public. S’essayant pour la première fois au film catastrophe, avec l’apparition puis la prolifération d’un virus mortel, Soderbergh revisite le scenario d’une pandémie dévastatrice tout en gardant l’esthétisme qui ont fait la qualité de ses films.
Soderbergh refuse comme toujours de trop coller à un genre défini, et Contagion est également un thriller bactériologique. En effet, ici point de sensationnalisme du film catastrophe traditionnel, point de zombies neurasténiques ni de scènes d’action ou de combat comme dans bon nombre de films reprenant le thème d’un virus menaçant les fondements de la société (on pensera en particulier à Resident Evil).
Soderbergh opte de nouveau pour le récit choral, qui avait été si efficace dans Traffic. Cependant cette fois-ci les fils narratifs sont trop nombreux. Le spectateur reconnaît les personnages et arrive à suivre puisque la majorité des acteurs sont très connus, mais cette utilisation massive de célébrités a également ses revers : il est plus difficile de s’identifier aux personnages ou même d’éprouver de la compassion pour eux. Même si Kate Winslet, Laurence Fishburne et Matt Damon sont très convaincants, les rôles laissés à Jude Law et en particulier Marion Cotillard manquent d’épaisseur, on ne les atteint pas.
Cela est du en grande partie au recul dont fait preuve Soderbergh dans l’analyse de la situation. Il s’est visiblement beaucoup documenté sur la manière dont travaillent les spécialistes médicaux en cas de pandémie. Le résultat est une vision intelligente, sèche et hyperréaliste des conséquences d’une telle catastrophe. Le style très maîtrisé et précis de Soderbergh ne lui rend ici pas justice, dans le sens où l’on ne se sent pas entraîné. L’émotion a du mal à filtrer, du également à l’enchaînement quasi mécanique des faits. Il en résulte peu d’angoisse et de stress pour le spectateur qui, s’il est intrigué dans la première heure, s’ennuie une fois le vaccin découvert mais pas encore distribué. La guerre des laboratoires pharmaceutiques n’est pas montrée de manière très prenante. Enfin Soderbergh, à travers le bloggueur joué par Jude Law, veut montrer que les rumeurs à l’échelle mondiale peuvent tout autant être nuisibles que ce virus, sans parvenir à nous convaincre.
Il en résulte un film minutieux, bien monté et au genre décalé mais sans originalité ni fantaisie. On regrette définitivement le parti pris de Soderbergh pour le réalisme. A noter tout de même que sa mise en scène crédible et maîtrisée lui a ouvert les portes du festival de Venise. On espère que Soderbergh reviendra avec quelque chose de plus chargé en émotion pour son prochain film Haywire qui doit sortir en février 2012.
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