Le Parvis à Tarbes est un bien drôle d’équipement. Construit à la fin des années 60 dans l’idée «d’installer un lieu culturel spécifié sur le trajet des pratiques populaires», ce centre culturel devenu Scène nationale trouve refuge dans un immense centre commercial de banlieue. Surprenant de se retrouver dans un tel endroit, nous qui avions quitté Toulouse, pris les chemins des Hautes-Pyrénées pour échapper à la grande ville, sur l’invite des morceaux du dernier album de Dominique A, Vers les lueurs, qui chante le retour à la nature. Nous voici donc dans un hypermarché Leclerc, avec ses caddies, ses néons, sa cafétéria déserte, son espace jeux pour enfants moribond, surplombant les allées du magasin à cette heure plongées dans l’obscurité. Une ambiance quasi irréelle, anachronique, presque dystopique, en tout cas pas l’idée qu’on se fait d’une sortie festive. Toutes choses qui feront dire à Dominique A, en guise d’introduction à Rendez nous la lumière : «Ceci est un morceau de circonstance». Les paroles de la chanson trouvent effectivement un écho particulier ce soir-là : «On voit des autoroutes/ Des hangars, des marchés/ De grandes enseignes rouges/ Et des parkings bondés/ On voit des paysages/ Qui ne ressemblent à rien/ Qui se ressemblent tous/ Et qui n’ont pas de fin/ Rendez-nous la lumière/ Rendez-nous la beauté/ Le monde était si beau/ Et nous l’avons gâché».
Heureusement la salle, un joli théâtre, est plus accueillante et doit nous permettre de vérifier la préférence de Dominique A pour les concerts assis qu’il nous disait dans notre interview. «Je deviens sans doute vieux», avouait-il pour justifier cette prédilection. En tout cas, force est de constater que le public, lui, est composé pour l’essentiel de retraités, de profs grisonnants et de lecteurs de Télérama. Des abonnés du Parvis sans doute, curieux de découverte. Il semblerait que toute jeunesse ait déserté la région. Pas l’audience la plus rock’n’roll donc, le changement de plateau après la première partie se fait d’ailleurs dans un silence mortifère, très pesant. «Y’a pas un bruit ici, lance Dominique A en montant sur scène. Ça ne va pas durer». Si le déficit d’énergie est palpable dans les fauteuils, le chanteur et son groupe ne ménagent pas leur peine. C’est la sixième fois que nous voyons Dominique A cette année, jusque-là accompagné par le quintet à vents avec lequel il a enregistré son dernier album. Les concerts s’articulaient dans cette configuration autour des morceaux de Vers les lueurs, bénéficiant des orchestrations ambitieuses des versions studio. Si la formule est plus réduite sur cette tournée d’automne, les cinq musiciens sur les planches ne manquent pas d’arguments et forment un groupe très complice.
Dominique A alterne cette fois davantage les nouveaux avec les anciens titres de son répertoire, intégralement réédité en début d’année. Les chansons du dernier opus sont réorchestrées par David Euverte qui joue les séquences dévolues aux vents sur son piano. Thomas Poli assure comme d’habitude à la guitare et sur ses claviers Korg à programmation, avec sa décontraction habituelle. Jeff Hallam à la basse et à la contrebasse et Sébastien Buffet à la batterie fournissent une section rythmique très solide. Parmi les oldies de ce soir, hormis celles que tout le monde attend – Le courage des oiseaux – Dominique A exhume quelques raretés telles que Dobranoc, Sarah Bristol, Pères, Les hommes entre eux ou Par l’ouest. On oscille donc sans arrêt entre une évidence rock très frontale – Close West – et des ambiances plus atmosphériques, selon une volonté manifeste de ne pas «lâcher les lions» sur toute la durée. Le lendemain, dans le contexte plus familier du Bikini à Toulouse, la set list fera l’objet de quelques modifications avec des morceaux supplémentaires – dont Mainstream qui avait du mal à trouver sa place dans le set selon ce que nous disait Dominique A – et le fameux Twenty Two Bar pendant lequel Jeff pousse la chansonnette sur les lignes de Françoiz Breut. Plus de générosité, davantage d’énergie, décidément, on préfère catégoriquement la station debout à la position assise.
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