Ben Vaughn est originaire du New Jersey, vit en Californie et récolte régulièrement des Awards en tant que compositeur de musique de films ou de séries télé. Il est fan d’automobile, a d’ailleurs enregistré tout un disque à l’intérieur de sa voiture (une première mondiale) et produit aussi des disques pour d’autres artistes. Plutôt que de se la couler douce à Venice Beach, il s’est mis en tête de faire un petit tour en Europe avec, pour seuls bagages, sa guitare et son chapeau. Au Connexion, l’autre soir, il était avec un vieux pote joueur d’accordéon et avait recruté au pied levé deux musiciens français pour compléter le groupe de la tournée. Un show fou-fou-fou, en prime time sur le créneau seven/eleven. Entre décontraction et grand professionnalisme, entre Americana et rock’n’roll vintage, un condensé d’art yankee à l’état brut. Pour preuve, cette conversation enregistrée au bar juste après le set…
A – Waouh !!! C’était trop bon. Sont quand même forts ces Ricains… Ben Vaughn, c’était le gars avec le chapeau, c’est ça ? Il avait un air canaille, un peu comme les lascars dans les vieux films de la Fox. C’est vrai qu’il a fait un disque avec Alan Vega et Alex Chilton ? Jouait vachement bien de la guitare en tout cas… Pfff…
Z – Carrément bien ! De la Telecaster en plus, comme quoi on a la classe ou on l’a pas. Il en avait deux mais avait l’air de préférer la beige. D’ailleurs, en regardant des photos plus anciennes de lui sur Google, j’ai remarqué qu’il fait ses live avec la même depuis des années. J’aime bien ça moi, les gens qui sont fidèles à leur outil de travail sans forcément se l’astiquer tout les soirs. Parce qu’elle a l’air d’avoir bien vécu quand même. Par contre c’est bizarre de monter sur scène avec des chaussures de randonnée, non ?
A – Attends, faut être bien équipé pour faire ce métier… It’s a long way to the top, comme dirait AC/DC.
Z – Et moi je dis chapeau ! C’est quand même dingue de balancer, comme ça, des morceaux de rock’n’roll pré-65 basés sur trois accords sans que ça sonne jamais comme de pauvres ersatz mille fois entendus, des momies bananées de la préhistoire. Frais, sensible, et pour le coup c’est ça aussi qui m’épate : plein d’humour. T’as remarqué ses accords plaqués chorégraphiés d’un petit coup de tibia vers l’avant là ? Fouyouyouille ! Quel charmeur ! Moi je me suis reconnu dans plein de chansons : Too Sensitive For This World, quel titre quand même! Il s’expose le bonhomme, c’est un écorché, entre Calvin Russel et Jonathan Richman. Pure Americana, ouais. Un beau mélange de distance et de sensibilité, de pastiche et d’authenticité. ‘Tain, j’ai adoré !
A – M’en parle pas. Suis encore sur mon petit nuage… [Le type écarquille les yeux.] Hé ! Mate ça ! C’est pas lui qui sort du bar là, avec la veste sur l’épaule ? Il a l’air un peu paumé, style « bordel, où est-ce que j’ai encore garé ma bagnole ? ». Qu’est-ce que t’en dis, on va l’aborder ? Lui proposer une petite virée downtown en Z3 ?… Nan, allez j’déconne, laisse tomber. De toute façon, il doit rouler qu’en Cadillac ou en Chevrolet. Tu veux aller voir Barrence Whitfield ? On dirait que le concert a commencé…
Z – Mouais…. Ce que j’entends m’emballe pas mais on va aller voir… Bon, c’est du vintage blues festif… Oulala… Ils ont mis beaucoup de tout dans leur ratatouille ! Au fait j’ai lu qu’il chantait vachement bien mais il a l’air de s’étrangler un peu trop souvent non ?… Bon… Et il transpire beaucoup à force de sautiller comme un cabris. Il devrait faire gaffe, il y a tellement de musiciens sur la petite scène qu’il va écraser le pied de quelqu’un et vu sa corpulence ça risque de faire mal… Les gens ont l’air d’apprécier en même temps… Bon … Je sais pas si je vais pas me refaire une clo… Hé ho A ? Tu files vers les premiers rangs, sérieux ?…
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