Chaque jour, la vie s’acharne à vous rappeler que le temps passe. Le poil qui pousse, les dents de moins en moins naturelles, les courbatures de plus en plus régulières et les souvenirs qui s’entassent… C’en est parfois à vous en dégouter… Tout cela pour dire qu’en effet, il est déjà loin le temps on l’on voyait pour la première fois Foals sur scène. Cinq belles et longues années. Et soit dit en passant, c’était lors du Festival des Inrocks !
A l’époque, Foals présentait leur excellent premier album intitulé Antidotes, et en effet, il nous avait préservé de la morosité et de l’ennui. Le groupe emmené par le charismatique Yannis Philippakis présentait un son d’un genre nouveau. Certes assez traditionnel dans sa construction et dans ses arrangements mais assez original pour attirer l’attention. Portées la plupart du temps par une guitare très haut perchée et très répétitive, les chansons de Foals dénotent à l’époque par rapport au production du moment. En 2008, la mouvance électronique était alors en marche avec MGMT en fer de lance, suivi par Justice au mieux de sa forme ou encore par Crystal Castles. Et même dans la production rock, on commençait à tournée en rond. Bloc Party continuait sa lente chute avec Intimacy, The Black Kids était le groupe à la mode et Scarlett Johansson se lançait dans la chanson. Certes, tout cela est un peu caricatural mais il faut accorder à Foals le mérite d’avoir apporté une vraie touche de fraicheur.
Car ce son qui est un jour sorti de la tête de ces cinq anglo saxons est devenu désormais une véritable marque de fabrique. L’alliance entre mélodie touchante et entêtante avec de petites bombes explosives est imparable. Impossible de ne pas reconnaitre Foals même lorsqu’on ne connait pas les titres. C’est d’ailleurs ce qui m’est arrivé en début d’année 2013 en écoutant pour la première fois le single Inhaler, issu de leur troisième et à ce jour dernier album, Holy Fire. Je reconnaissais à coup sur Foals, sans pour autant reconnaitre leur musique.
Et oui en cinq ans, il s’en est passé des choses. Le succès d’Antidotes a permis d’asseoir assez facilement Foals dans la scène anglo-saxonne déjà bien fournie. Leur deuxième effort, Total Life Forever, va confirmer cette place bien méritée en proposant non pas une copie de l’original mais bien l’exploration de nouveaux univers. Et encore une fois, le groupe réussit de mains de maître à séduire même les plus novices. Avec un album un peu plus apaisé, Yannis et ses compères nous entrainent vers des endroits inhabituels sans pour autant nous désarçonner.
Avec Holy Fire, Foals a donc naturellement continué cette exploration et il est bien difficile de reprocher à un groupe de musique de prendre des risques et de poursuivre une création artistique qui lui est propre. Pour autant, Foals s’approche petit à petit des limites qui l’éloignent sans doute un peu trop de ses origines et finit par segmenter son public. Certains vont s’accrocher tant bien que mal à l’aura du ou des premiers albums et d’autres vont trouver plus d’attraits aux dernières créations. C’est arrivé à des groupes comme The Cure, Radiohead, ou encore comme Arcade Fire. Le temps finira par rendre son jugement…
Ainsi, Holy Fire a été moins bien reçu par la critique et par le public de fidèles à cause de singles devenus sans doute trop évidents pour être tout à fait honnêtes. Ceci étant, l’album possède de beaux moments, et reste dans la lignée des précédents.
Mais c’est avec un point d’interrogation qu’on aborde ce fameux concert au Bikini, après les avoir encensés à plusieurs reprises durant ces dernières années, en salles ou en festivals. Car Foals est un véritable groupe de scène à la fois par leur capacité à transformer leur chansons pour les rendre à chaque concert uniques, et par leur présence scénique redoutable, à la fois en énergie et en folie.
Preuve en est avec Prelude, fantastique opener sur scène comme sur disque. Jimmy Smith, le très charismatique guitariste du groupe, s’en donne à cœur joie en imposant sa ligne de guitare, évidemment toujours dans les aigus, tout le long de la chanson. Cette dernière va crescendo pour arriver petit à petit à une explosion libératrice. Une entrée en matière idéale parfaitement enchainée avec Balloons qui sera, avec regrets, la seule rescapée (avec Red Sock Pugie) du premier album a être proposée durant le concert, hormis le rappel.
Dans le public, il n’en faut pas plus pour que les pieds décollent du sol. Foals n’a aucun mal à emporter un public entièrement acquis à sa cause. L’âge moyen est d’ailleurs franchement jeune, ce qui laisse toujours à penser que ce dernier album a fait mouche. La salle affiche complet, et certains cherchaient encore des places à l’ouverture des portes.
Fort de ce démarrage, Foals dégaine alors les singles pour définitivement éliminer toute contestation possible, avec Miami, issue de Total Life Forever, et bien sur My Number, devenue incontournable avec sa sautillante et saccadée mélodie. Suit tout à fait logiquement une longue série de chansons de Holy Fire, qui satisfera la salle sans demi-mesure. Difficile de résister.
Yannis Philippakis fait le show et s’en donne à cœur joie en plongeant sans prévenir dans le public guitare à la main. Le groupe prend visiblement un plaisir fou à jouer à Toulouse et le fait savoir. C’est leur troisième passage au Bikini, et le chanteur finira par dire qu’il éprouve chaque fois plus de plaisir à venir. Il faut dire que le public répond vraiment présent, qui bouge, saute, crie, bref, qui vit. Et ça fait du bien !
Aux Anglais d’ajuster savamment les rythmiques et de distiller leur chansons en variant les plaisirs. Ils savent parfaitement apaiser les esprits quand il le faut avec de très belles chansons comme Spanish Sahara, émouvante à souhait, ou encore Late Night et ses « Stay » interminables repris en chœur par le public. Tout cela, pour en arriver à Inhaler, dernière chanson du set et single tant attendu par le public.
Mais le véritable spectacle commence au rappel, qui d’ailleurs n’évolue pas vraiment au fur et à mesure des années – c’était le même en 2010, Hummer en moins -. De retour sur scène, l’album Antidotes reprend les choses en mains, et le concert prend une autre dimension. The French Open, complètement revisitée pour l’occasion, rouvre les hostilités et fait bouger la salle, avant de lancer définitivement le groupe à cœur perdu dans la fabuleuse Two Step Twice étirée à n’en plus finir pour laisser libre court à Yannis Philippakis et lui permettre de se balader dans la salle, de long en large sans oublier de prendre les escaliers pour rendre visite aux spectateurs de l’étage. Quel finish ! On entendra le public reprendre les fameux « Papala papala » de la chanson, avant que Foals ne mettent définitivement fin au spectacle.
C’est cependant un peu partagé qu’on ressort de la salle. Certes, Foals est resté fidèle à lui même avec encore une prestation scénique incroyable. Mais des reproches subsistent. S’il était entendu que les Anglais joueraient surtout les dernières compositions, il est tout de même regrettable de ne pas avoir eu la chance de réentendre les tubes que sont Cassius, Olympic Airways ou encore Electric Bloom. De plus, le groupe avaient jusque là l’habitude de surprendre le public avec des chansons non créditées sur des albums comme Hummer, XXXXX ou encore Mathletics, ce qui n’a pas été le cas ce soir. On regrette donc ce manque de générosité, les Anglais auraient également pu rallonger de quelques titres leur prestation. Dommage car tous les éléments étaient rassemblés pour faire de ce concert quelque chose de grand.
Mais on gardera malgré tout une note positive. Car mine de rien, un concert de Foals secoue pas mal. Et malgré le temps qui passe et les douleurs dans le dos, on partage, on vibre, on chante, on vit. Ca fait du bien, et finalement on s’en souviendra avec un sourire aux lèvres.
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