Difficile de mettre Lucio Bukowski dans une case. Certes il fait partie d’un collectif de rappeurs, l’Animalerie, à Lyon. mais c’est trop réducteur. Ce nouveau projet, le troisième de l’année nous conforte dans l’idée qu’il s’agit plutôt de textes mis en musique. « Mec je t’emmerde j’fais pas du rap mais d’la littérature », prévient-t-il lui-même dans le titre Impopulaire.
Et puisqu’il travaille en indépendant, vendant ses morceaux sur internet, il peut dire ce qui lui plaît, et d’ailleurs il ne s’en prive pas. Tout y passe. Que ce soit la situation politique actuelle : « La République a un jeu d’merde #MichèleLaroque » (Obsolescence programmée), le rap : « Garde ta morale hip-hop connard j’ai pas ton âge » (Impopulaire), l’époque en général : « Cette époque n’est qu’une poufiasse dans du putain d’Dior » (De la survie des fauves en terre moderne). Mais sa critique, qu’on l’accepte ou pas, est toujours instructive. On retrouve chez le MC une sorte de volonté d’éduquer les auditeurs, lorsqu’il nous offre généreusement ses références, celle du rap bien sûr (KMD par exemple), mais aussi de la littérature (Henri Michaux) ou bien la philosophie (Spinoza). On peut juste regretter que, dans sa recherche de la formule-choc, il se laisse aller à quelques facilités qui font sourire mais se répètent un peu.
Bienvenue chez un auteur misanthrope pour qui le seul plaisir réside dans l’écriture. Pourtant, derrière cette lourde ambiance politique et philosophique, qu’accentuent d’ailleurs les beats oppressants réalisé par Tcheep, producteur de la scène lyonnaise, se cache une vraie bouffée de poésie, une maîtrise incontestable des mots de la part de celui qui se veut poète avant d’être rappeur. Le titre Eternel printemps, avec son accompagnement moins sauvage nous offre un instant de répit dans ce monde pessimiste, car, comme le conclut Lucio : « Sais-tu que la liqueur n’est pas celle que tu bois ? C’est un poème, c’est une femme, c’est Dieu et l’éternel printemps ».
Voici donc le cri d’un fauve, qui tente comme il peut de survivre dans ces terres modernes et hostiles : par un mélange de beauté et de réalisme.
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