The Divine Comedy entretient depuis ses débuts une relation toute particulière avec le public français qui a été le premier à succomber à sa pop raffinée, kitsch et orchestrale. On peut en dater le début à ce soir du 5 novembre 1993, quand Bernard Lenoir a diffusé en direct le concert de l’Irlandais depuis la Cigale, dans le cadre du festival des Inrockuptibles. Avec son humour, ses petits bijoux pop inspirés par Scott Walker et Burt Bacharach et ses reprises de Talk Talk et Jacques Brel, Neil Hannon avait fait succomber les spectateurs et les auditeurs de France Inter.
On l’a découvert quelques jours plus tard en concert en première partie de Dominique A au Ciné 3000, une petite salle de la banlieue nancéienne, puis nos routes se sont croisées une bonne vingtaine de fois pendant les deux décennies qui ont suivi. Même si notre relation au groupe est solide et durable, on l’a un peu perdu de vue à l’époque de Regeneration (2001), quand Neil Hannon – cheveux longs et chemise à fleurs – rêvait à un succès plus grand que lui, se faisait produire par Nigel Godrich et voulait remplir un Zénith à tout prix. On y est revenu un peu plus tard, au moment de Absent Friends (2004), son dernier album vraiment notable, qui renouait avec l’inspiration du début et reposait les bases d’une formule qui ne fera que ronronner par la suite.
Foreverland, son dernier opus en date, sorti en cette rentrée 2016 est dans la directe lignée des deux précédents disques de Divine Comedy, il ne s’éloigne jamais beaucoup de la zone de confort de son chef d’orchestre qui gère son petit fond de commerce en bon taulier un peu roublard et démago. On a déjà entendu souvent chez lui ces petites mélodies au clavecin, ces pluies de cordes, ces clins d’œil de plus en plus appuyés à la culture française – Catherine the great, Napoleon Complex, I joined the Foreign Legion (to forget). On a lu dans les Inrockuptibles que Neil Hannon envisageait au départ un album de synth pop qu’il a abandonné par la suite. On aurait été ravis d’entendre ça ! Et pourquoi pas, quitte à nous faire les yeux doux, écrire un disque intégralement en français ? On se souvient de deux concerts à la Cité de la Musique en 2008 où Neil Hannon reprenait en français dans le texte, Brel et Gainsbourg, Delerm et Brassens, Dutronc et Vanessa Paradis.
Mais comme on l’aime beaucoup, notre Neil Hannon, nous étions tout de même impatients de le revoir sur scène, à peu près certains de ne pas passer une mauvaise soirée en sa compagnie. Les retrouvailles ont lieu au Bikini de Toulouse, dans une salle copieusement garnie du sol au balcon. Le groupe renouvelle visiblement son public et c’est tant mieux, la lune de miel avec la France se prolonge et a encore de beaux jours devant elle. Neil Hannon – qui a encore renouvelé le line up de son groupe par rapport à l’an dernier – débarque déguisé en Napoleon pour jouer le titre d’ouverture de Foreverland dans une version plus rock et frontale. Le set est idéalement cadencé, sans temps mort, le groupe enchaîne les titres à un rythme soutenu, avec cependant des choix dans la setlist qui laissent songeur. Peu de choses sont jouées des deux premiers albums – hormis Tonight we fly, qui conclut traditionnellement les festivités –, au profit de titres de Bang goes the knighthood.
Mais ne soyons pas rabat-joie, il faut avouer une certaine générosité de la part de Neil Hannon – deux heures de concert, 26 titres interprétés – qui fait le show sans trop de cabotinage excessif, mais avec son humour habituel. En ces temps de sinistrose ambiante, c’est déjà beaucoup.
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