Après un premier soir prometteur, le Pitchfork Music Festival allait nous plonger encore plus dans une myriade d’expressions musicales diverses et variées. Au-delà du cosmopolitisme de cette soirée (un Écossais, deux Américains, deux Allemands, une Anglaise, un Français et même un Danois), c’est plutôt la personnalité propre à chaque groupe et artiste qui nous aura époustouflés. Très peu rassemble par exemple C Duncan de Porches – les deux premiers noms de ce vendredi – et pourtant ils ont su nous embarquer dans leur univers si particulier. Si C Duncan appartient d’avantage à une idée de la Pop britannique moderne, entre Rock, variété et effets électroniques bien sentis, Porches apportait avec lui un caractère plus glamour et baroque, bien imbriqué dans une musique synthétique et intimiste qui doit beaucoup aux 80’s.
De ces deux talentueux jeunes hommes, on pouvait justement trouver une réminiscence plus tard dans la soirée, avec d’abord Flavien Berger (seul artiste français de la programmation avec Acid Arab), puis avec Bat For Lashes, encore avec leur force singulière. Voir Flavien Berger au Pitchfork Music Festival n’est finalement pas si surprenant que ça, tant il incarne la vraie descendance de la French Touch qu’apprécie beaucoup le site américain. Un brin de poésie délurée à la Air, des beats plus dansants façon Daft Punk, mais aussi une désinvolture bien française rappelant le modèle du genre, Gainsbourg ou plutôt Boris Vian, car dans une veine plus sensible. Tout cela au service d’une musique aquatique et lunaire qui incarne le revival 80’s – encore ! – à la française. Natasha Khan, alias Bat For Lashes, n’avait, elle, rien à prouver tant ses précédents albums et notamment le superbe The Haunted Man (2012), l’avaient consacrée comme une héritière plus Rock’n Roll de sa consoeur britannique, l’illustre Kate Bush. Elle venait cette fois présenter majoritairement son intéressant The Bride, sorti presque anonymement cette année, conceptuel – autour de la femme – et sensiblement plus sophistiqué. Vêtue de sa longue robe de mariée rouge, elle aura su baigner toute la salle de sa présence et de sa voix fantastique, sans oublier d’offrir la plupart de ses tubes – un magnifique Daniel -, pour ce qui donnera au final un des shows les plus marquants du week-end.
Ce vendredi soir fit aussi la part belle aux beaux collectifs, à l’harmonie scénique, à la puissance du groupe plutôt qu’à la grandeur iconique. Meilleur exemple : Todd Terje venu jouer tous ses meilleurs morceaux en compagnie de The Olsens, musiciens danois près à se fondre dans l’exotisme de la Nu Disco du DJ et à la transcender. It’s Album Time, l’un des grands disques de 2014, n’en ressortit que plus grandi, en témoigne ce Delorean Dynamite au solo de guitare cosmique. Plus surprenant, Brandt Brauer Frick, quatuor berlinois de Krautrock/Math Rock cérébral, un poil ennuyeux en studio qui se révéla génial sur scène. Toute l’alchimie du groupe transpirait de chaque note, chaque battement, chaque son balancés par ces frappés d’Allemands. Tout l’inverse de Explosions In The Sky, qui, émouvant sur la plupart de leurs albums, ont joué un set trop policé et carré et ne ressemblant finalement que trop à leur Post-Rock joliment cinématographique, mais peu essentiel comparé à Godspeed You ! Black Emperor (qui avait joué quasiment dans le même créneau horaire l’année précédente). Enfin, Moderat, alliance des deux DJ berlinois Modeselektor et Apparat, tête d’affiche de la soirée, aura donné un show ambivalent. Ennuyeux et froid sur les titres de leur dernier opus, ce n’est que lorsqu’ils sont revenus aux sonorités plus Pop et « clubbesques » de leurs premiers efforts qu’ils ont ravivé leur brillant passé.
Crédit photo : Vincent Arbelet
Note: