Bienvenue à Monplaisir : «Un lieu magique, où pendant deux semaines par an, tu pourras oublier ton dur labeur et laisser libre cours à tous tes fantasmes».
Comme l’indique le nom de ce premier tome, Les règles du jeu, il s’agira avant tout pour le lecteur néophyte, de découvrir les us et coutumes de cette cité aux mœurs si particulières, en cet an de grâce 2058. Résumons l’ambiance : la prostitution est omniprésente, les machines à sous ont remplacé les parcmètres et tout est prétexte à pari. Quant aux poursuites des criminels par la police, les voilà même retransmises en direct à la télévision…
Parmi toute cette luxure et cette débauche, le scénariste Luc Brunschwig nous propose de raccrocher les valeurs de l’honnête lecteur que nous sommes, à un personnage dont la morale convergerait vers un certain héroïsme suranné, version super-héro américain «first avenger». Zachary Buzz est un jeune flic en formation qui a grandi dans une des rares fermes encore «terrestres» de cette époque. Un bouseux des temps modernes, en quelque sorte, qui joue le rôle du Candide au milieu de ce paganisme débridé.
Cet univers décadent emprunt de technologies bigarrées et tape à l’œil n’est pas sans nous rappeler celui d’Alejandro Jodorowsky. Il y a comme un air de «Mégalex» dans cette cité de Monplaisir où la science flatte à merveille les plus bas instincts de l’homme. D’ailleurs le nom de Springy Fool, le «maire» de la ville, ne fait-il pas écho à celui de John Difool, principal protagoniste de la célèbre série L’Incal de l’auteur chilien ?
Le coup de crayon réaliste et le sens du détail du dessinateur Roberto Ricci servent ici à merveille cet univers futuriste, alliant modernité et déliquescence, progrès et sénescence. L’aspect monochrome de la couleur dont se pare la plupart des planches renforce divinement la noirceur et le cynisme ambiant.
La qualité de la narration n’est pas en reste. Tout en appréhendant avec Zachary les règles du jeu de la triste mégapole, nous nous laissons indirectement entraîner dans une intrigue autour des meurtres sordides de plusieurs jeunes femmes ayant séjournées dans la cité.
A l’issue de la lecture, une seule crainte pourrait venir nous tarauder l’esprit : le contraste entre le gentil (fade ?) Zachary Buzz et le licencieux (scélérat ?) Springy Fool est tel que l’on pourrait envisager facilement une bataille entre le bien et le mal, autour de clichés fastidieux et d’une résolution attendue.
Gageons que nos deux auteurs ne cesseront pas de nous surprendre au cours du deuxième opus dont nous attendons la sortie avec impatience.
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