Depuis le temps que nous attendions un concert toulousain de Michel Cloup ! L’ex-Diabologum a tourné un peu partout en France de façon très extensive ces derniers mois, depuis la sortie de son album Notre silence, mais pas en tant que local de l’étape. Michel Cloup avait certes donné en octobre 2011 un show case à Gibert Joseph en solo, qui avait déjà largement impressionné mais il nous avait avoué qu’avec son fidèle compagnon Patrice Cartier à la batterie, l’expérience (sans jeu de mots) prenait une toute autre dimension. Après le concert que le duo a donné au Connexion Live le 10 octobre dernier, on comprend mieux ces propos. Ce fut un moment d’une folle intensité, plein d’émotion, alternant une rage tantôt contenue, tantôt extériorisée, donnant à des morceaux déjà très forts sur album une dimension insoupçonnée.
On l’a dit et redit, Notre Silence est l’un des plus beaux disques de l’année 2011. Un album certes difficile, assez rugueux, à la fois dans les mots – il y est question de perte, de deuil, d’absence – que dans la musique, mais qui se mérite, puis vous accompagne, vers lequel on ne cesse de revenir. Michel Cloup s’y livrait très intimement mais avec beaucoup de pudeur, en évitant les pièges de l’autofiction nombriliste. Si bien que les textes qui disent une expérience individuelle touchent à quelque chose d’universel, créant un lien profond avec l’auditeur. Il est cependant une chose de partager avec son audience des morceaux de sa vie sur un disque, dans le confort d’un enregistrement studio et d’une écoute chez soi – le « entre nous« – c’en est une autre que de se livrer à un public, sur scène, frontalement. Sans parler de courage, la démarche est tout de même plus impliquante quand il s’agit de prononcer des mots qui ont à voir avec son histoire personnelle devant une salle pleine.
Voyage, voyage – Pour nous embarquer dans son univers, Michel Cloup nous invite dès le début du concert à un voyage, motif souvent présent dans ses textes, qu’il soit synonyme de mouvement ou de mémoire. Le chanteur est muni de sa guitare baritone bleue, au son si particulier, qui lui permet de jouer les lignes à la fois mélodiques, mais aussi de basse. Patrice Cartier à la batterie tape sur ses fûts comme si sa vie en dépendait, frappe sa caisse claire avec une énergie hallucinante. Les deux partagent manifestement une belle complicité et poussent chacun des morceaux dans leurs derniers retranchements. Si sur le disque le son est quasi clinique, avec une voix blanche proche du spoken word qui évoque Codeine, Smog et Bill Callahan, les morceaux joués live convoquent davantage la forme du post rock façon Godspeed you ! Black Emperor. Le duo prolongent chaque titre jusqu’à l’épuisement, les fait passer par toutes les phases où le calme précède souvent le déluge bruitiste. Si le groupe joue très fort, tout n’est pas question de volume sonore mais bel et bien d’intentions. Et le duo donne réellement le sentiment de tout jouer sur scène, corps et âme, quitte à y laisser un peu de soi.
Nulle nostalgie sur scène, aucun morceau de Diabologum ne sera livré au public ce soir. Mais en rappel, Michel Cloup nous fait le cadeau de quatre inédits qui annoncent un deuxième album à venir. Au milieu de nulle part reprend le motif de la déambulation – ici une voiture qui tombe en panne en face de l’océan – pour lancer un pont entre la mort d’un père et la naissance d’un enfant, comme un Chris Marker qui joue avec les souvenirs et les sauts dans le temps. Dans J’ai peur de nous et Nous vieillirons ensemble, c’est la relation de couple qui est évoquée, l’angoisse de la perte des sentiments, la promesse d’un avenir, «le virus et l’antidote». Et de clore le set en ayant fait le tour des trois figures de l’homme telles qu’il les annonçait plus tôt : le fils, le père, l’amant, comme une sainte trinité. Le voyage est fini pour ce soir, mais on veut bien continuer de faire un bout de route avec Michel Cloup.
Crédit photo : Sébastien Cuvelier
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