En cette rentrée 2013, le musée des Abattoirs développe de nouveaux projets et, dans le cadre des Jeudis des Abattoirs, propose une programmation ambitieuse mêlant pratiques élargies du cinéma, arts visuels en tous genres et concerts rares. Un menu plutôt alléchant qui nous a poussés à rencontrer Loïc Diaz Ronda, le programmateur de ces événements.
Versatile Mag – Le jeudi 3 octobre, avec la projection d’un film d’Adolpho Arrietta, le musée des Abattoirs a lancé un nouveau cycle de rendez-vous et rencontres, programmés de façon quasi hebdomadaire. Qu’est-ce qui est à l’origine de ce projet et en quoi consiste, plus précisément, cette nouvelle programmation ?
Loïc Diaz Ronda – Lorsqu’il est arrivé il y a deux ans, le directeur des Abattoirs, Olivier Michelon, a souhaité relancer une programmation culturelle pour renouveler les publics et dynamiser l’institution. Il a instauré un rendez-vous hebdomadaire, les Jeudis des Abattoirs, d’abord alimenté par différents services du Musée et par des propositions extérieures. Les Jeudis permettent de répondre plus facilement à une actualité ou à une sollicitation, alors que les expositions se prévoient et se déroulent sur des temps plus longs. Il a aussi voulu ouvrir les lieux à des événements majeurs comme Rio Loco, avec qui nous avons produit en avril-mai dernier une exposition, un cycle de projections-rencontres et des lives intitulés Sound System Culture, une des premières manifestations consacrées à la culture dub dans un musée en France. La volonté de renforcer cette politique, de la doter d’une identité plus affirmée, a conduit au recrutement d’un programmateur. J’ai ainsi intégré l’équipe du Musée en avril 2013, avec pour mission de développer cette programmation, tant permanente qu’événementielle.
VM – Est-ce que le projet des Jeudis, du coup, va prendre une orientation légèrement différente ?
LDR – L’objectif de cette nouvelle programmation est de faire des Abattoirs un lieu de culture contemporaine, transversal et ouvert sur la ville, à l’image de ce qui peut exister dans d’autres métropoles européennes. Les Jeudis peuvent adopter différents formats : performance, concert, projection, carte blanche, rencontre… L’idée est notamment d’organiser un événement live par mois, de septembre à juin. Nous oeuvrons naturellement dans le domaine des arts visuels et développons plusieurs axes de travail, en complémentarité avec ce qui existe déjà dans l’agglomération, en nourrissant des partenariats. Concrètement, cela veut dire que nous privilégions des pratiques artistiques peu ou pas assez représentées à Toulouse : les pratiques élargies du cinéma, le cinéma expérimental ou les films d’artistes, les concerts basés sur l’expérimentation sonore ou la qualité d’écoute, les nouvelles pratiques artistiques ou culturelles du multimédia et des réseaux. Cela veut dire, également, que nous collaborons volontiers avec des acteurs culturels toulousains dont nous apprécions le travail, que ce soit des institutions comme le Château d’eau ou des indépendants comme La Chatte à la voisine, Club Beausoleil ou Shabaz.
VM – Vos collaborations et partenariats se limitent-ils à des acteurs culturels toulousains ?
LDR – Parallèlement, nous essayons de travailler en réseau avec des institutions européennes comme le Centre Pompidou, à Paris, ou la Casa encendida, à Madrid, afin d’organiser des choses en commun. L’idée, au fond, est toujours la même : rendre possible certains événements, être une escale pour des créateurs et artistes contemporains, français et étrangers, qui sinon ne s’arrêteraient pas à Toulouse. En espérant que le public réponde favorablement à ces propositions et que l’on arrive à créer un noyau de spectateurs fidèles et intéressés par ces pratiques. Au-delà de l’événementiel et de la diffusion, cette programmation a à répondre à des missions de service public. La première, c’est d’alimenter la découverte, la curiosité, la formation du regard. Nous sommes déjà, par principe, attachés à la gratuité des événements. Ensuite, il y a tout un travail de diffusion des savoirs en direction des publics adultes que nous essayons de mener de plusieurs façons.
VM – Par exemple ?
LDR – Pour le grand public, nous organiserons, à partir de février 2014, des cycles de conférences d’histoire de l’art moderne et contemporain, qui auront lieu le samedi matin. Sur le versant recherche, nous renforçons nos partenariats avec l’université en accueillant de nombreux colloques ou journées d’étude, parfois ouverts au public. On essaie enfin de trouver des formats mixtes qui allient diffusion et formation, pour décloisonner les domaines artistiques et universitaires et répondre au besoin de formation permanente d’adultes qui travaillent ou vivent en lien avec l’image et qui n’est pas suffisamment pris en compte. L’idée est d’être un lieu où il se passe des choses, dans l’époque, mais d’être aussi un lieu qui fait régulièrement une pause ou un pas de côté pour réfléchir sur ce qui fait l’époque et la relie au passé.
VM – Pourrais-tu nous présenter, rapidement, quelques uns des principaux événements à venir ?
LDR – Du côté des lives, on va recevoir plusieurs propositions intéressantes. Le 7 novembre tout d’abord, Mendelson, groupe français apparu dans les années 90 aux côtés de Dominique A et de Diabologum, qui n’a cessé de renouveler son approche jusqu’à se situer au croisement de la poésie, du rock indé, de la musique électronique et contemporaine. Le 28 novembre, le cinéaste et performeur Bruce McClure produira une séance expanded à l’aide de trois projecteurs 16mm, de boucles de films et de son direct. C’est à la fois complètement inhabituel et très new-yorkais, dans la tradition du Velvet Underground et des flicker films de Tony Conrad. Enfin, le 16 janvier, ce sera au tour de Ted Milton, leader du mythique groupe postpunk anglais Blurt, de se produire aux Abattoirs, en duo. Il y a aussi le projet Chambre d’écho, réalisé avec le Château d’eau sur plusieurs dates, qui consiste en des invitations croisées de penseurs, issus des sciences humaines ou sociales, et de photographes. Cela promet d’être intéressant de voir comment se mêlent les paroles d’artistes comme Joan Fontcuberta ou Mohamed Bourouissa avec celles de spécialistes de la ville, de la philosophie ou de l’information. On travaille enfin sur des événements exceptionnels qui auront lieu dans la grande nef des Abattoirs à partir de février et jusqu’au printemps.
Photos :
Bruce McClure – Performance au Masonic Hall
Mohamed Bourouissa – La république série périphérique (courtesy of Galerie Kamel Mennour)