Avec Yourself and Yours, Hong Sang-Soo nous ravit une nouvelle fois en livrant une brillante et subtile variation sur le sentiment amoureux.
Après une violente dispute, Minjung, jeune femme éprise de liberté, décide de quitter Youngsoo, peintre idéaliste et cartésien.
« La femme est l’avenir de l’homme » titrait le cinquième film du cinéaste. Si Hong Sang-Soo a abandonné depuis des lustres l’idée même d’un scénario, il ne varie pas sur les motifs de son cinéma : la rencontre amoureuse, les rapports alcoolisés, les relations conflictuelles et surtout la féminité comme centre de gravité de l’humanité.
Hong Sang-Soo filme comme dans la vie. Il conçoit ses histoires sans filet au gré des vapeurs d’alcool de riz par petites notes et s’entoure d’équipes légères. Ses comédiens ne connaissent jamais l’histoire à l’avance et la découvrent, comme lui, au jour le jour.
Hong Sang-Soo est un artiste prolixe et à part sur l’échiquier du cinéma, une sorte d’anti Woody Allen, plus proche du cinéma de Rohmer ou d’Ozu.
Minjung est donc partie et Youngsoo la recherche, en vain.
Il ne sait pas vraiment où elle est, ni pourquoi elle l’a quitté.
Cette expérience du non-savoir qu’éprouve Youngsoo va vite devenir celle du spectateur.
Minjung est devant nous, dans chaque plan, mais est-ce vraiment elle ?
Au gré des rencontres avec d’autres hommes, elle se présente sous des atours bien différents à chaque fois. Tantôt jumelle, tantôt écrivaine, vivant ici ou ailleurs, Minjung devient un fantôme énigmatique, une pulsion, un fantasme révélateur des faiblesses masculines, de leurs petites médiocrités.
Ment-elle ou dit-elle la vérité ? Est-elle réelle ou la représentation symbolique du sentiment amoureux ?
Contrairement à la plupart des films de Hong Sang-Soo, aucune voix off n’accompagne le récit. Plus qu’une variation, le cinéaste propose une divagation poétique sur la naissance de l’amour.
On ne sait jamais vraiment qui sont les personnages, où ils se trouvent et dans quelle temporalité.
L’abolition des repères rationnels tire le film vers une pure fantasmagorie et les symboles deviennent universels.
Là où le film devient très beau, c’est dans la seconde rencontre entre Minjung et Youngsoo. Lui se souvient mais elle ne le reconnait pas, ou ne veut pas le reconnaitre.
C’est lorsque Youngsoo abandonne toute exigence dans la compréhension rationnelle de l’autre que l’amour peut reprendre vie. Pour le cinéaste, l’amour ne peut se concevoir que comme l’addition de petits instantanés fugaces et fragiles qui construisent une relation de l’ordre de la chimie.
C’est dans la perte d’éléments rationnels que l’amour peut se réinitialiser.
Aussi, dans son épilogue, Youngsoo conclut le film en une phrase magnifique lancée à cette fille qu’il croit être Minjung mais dont on ne saura jamais vraiment si c’est elle : « Merci d’être toi ».
N’est-ce pas tout simplement cela l’amour.
Note:
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