Gerontophilia, comme son titre le laisse deviner, narre les amours d’un garçon de dix-huit ans et d’un vieil homme de quatre-vingt-deux ans. En faisant le choix d’un titre pareil, le cinéaste Bruce LaBruce (L.A Zombie) sacrifie à son goût de la provocation mais ne rend pas vraiment service à son film. Car de provocation, Gerontophilia est relativement peu chargé. Le réalisateur a souhaité raconter cette relation exceptionnelle de façon pas exceptionnelle. Pari réussi, mais le film est-il bon pour autant ? Car de ce fait, optant toujours pour une légèreté visant à dédramatiser le sujet, le réalisateur accouche d’une œuvre parfois touchante mais manquant sensiblement de panache.
Bien qu’il ait une petite amie, Lake, le protagoniste principal, se découvre une attirance pour les hommes âgés le jour où il en sauve un de la noyade. Une aubaine lui tombe du ciel : il est embauché pour travailler dans une maison de retraite. Là, il fait très vite la connaissance de M. Peabody, un vieillard séducteur. Ni une ni deux, ils deviennent amants puis se lancent dans un road-trip.
Coutumier du trash et du porno, Bruce LaBruce troque tout cela pour la sobriété, mais son film manque du coup de caractère. Le choix de la comédie, comme dit plus haut, permet certes la dédramatisation, mais le film se maintient tout du long dans un état d’esprit où rien n’est grave, rien n’importe. L’histoire d’amour ne convainc d’ailleurs pas vraiment : la relation entre Lake et Peabody a plutôt des airs d’amitié complice pimentée par le sexe. Autour d’eux, les proches sont choqués au début mais acceptent finalement plutôt bien cette relation, et de ce fait, puisqu’ils ne créent pas d’opposition, ils ne forment pas des ennemis convaincants au point de charger un peu cette histoire en enjeux dramatiques. La réalisation reste quant à elle assez plate, s’emportant parfois lors de séquences où une musique accompagne les personnages au ralenti, mais ce genre d’effet de mise en scène paraît toujours un peu toc. Quant à la naissance du désir entre les deux protagonistes, Bruce LaBruce l’expédie en une séquence assez convenue où la caméra s’attarde sur les épidermes, mais qui rappelle surtout une esthétique de pubs pour parfums, même s’il n’est pas inintéressant de subvertir ce type de filmage en l’appliquant sur un couple d’hommes, où l’un des partenaires est de surcroît un vieux monsieur.
Gerontophilia, voilà par ailleurs un titre-programme qui rappelle le raté dernier Lars Von Trier, Nymphomaniac, ou même Shame de Steve McQueen. Ces cinéastes qui prétendent traiter un grand thème (plutôt qu’un sujet), désigné dans le titre, mais y échouant en général. En outre, il est inévitable de rapprocher le film de Bruce LaBruce du classique du cinéma américain des années 70, Harold et Maude, de Hal Hashby. Or le premier souffre de la comparaison avec le second. Car dans le film d’Hashby, le comique n’emmenait pas vers la légèreté mais restait toujours le meilleur allié d’une force d’affirmation libertaire entretenue tout du long. La comédie ne s’opposait jamais à la gravité (qui n’est pas synonyme de sérieux), et n’interdisait pas l’émotion, bien au contraire. Ici, la désinvolture avec laquelle est expédiée la fin du film interdit justement à l’émotion de s’inviter, et elle laisse aussi plus que songeur quant à l’attachement du réalisateur pour ses personnages.
Bruce LaBruce n’aurait somme toute pas dû se défaire si vite de son goût pour la provocation. S’il utilise la voix de la petite amie de Lake pour formuler explicitement son propos, le film n’avait pas besoin d’un tel sous-titre et son manque d’élan se fait d’autant plus flagrant. D’ailleurs, quand le réalisateur cède à la tentation provoc’, c’est dans une scène onirique gore plutôt pénible et inutile. Les suicides simulés de Harold dans le film d’Hashby, si riches en humour noir, étaient autrement plus corrosifs.
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