Ce n’est pas vraiment la chaîne télévisée que l’on attend lorsqu’on annonce le lancement d’une nouvelle série. Pourtant, depuis quelques années, History Channel jette quelques hameçons plutôt convaincants si l’on considère les résultats en audience des séries qu’elle produit. En 2013, Vikings – dont le titre parle de lui-même – a vu le jour et a bien rempli son cahier des charges puisqu’elle connaîtra l’an prochain sa troisième saison. D’ailleurs, elle s’exporte bien puisque l’on peut la suivre en France sur Canal + et a priori bientôt sur W9.
Mais History Channel montre une autre originalité : elle propose des miniséries. En 2012, Hatfields and McCoys avec Kevin Costner a été diffusé et a battu des records pour la chaîne câblée avec seulement trois épisodes. L’année dernière, la très controversée La Bible a aussi connu le succès. Fort de ces expériences, il n’y avait aucune raison que la chaine ne poursuive pas ces tentatives, c’est donc logiquement que ce mois-ci a été lancé une nouvelle minisérie en deux épisodes d’environ 1 h 15 chacun : Houdini.
Diffusée début septembre, Houdini était la première sensation de la rentrée grâce à un teasing de qualité. En effet, en annonçant l’excellent Adrien Brody comme interprète principal, il est difficile de rester de marbre. En plus d’un personnage plutôt attirant pour une série, c’est aussi un casting fort qui permet au programme de passer un cap et de ne pas rester qu’un simple documentaire. Et même si les audiences se sont révélées moins importantes que pour les autres miniséries de History Channel, la satisfaction est au rendez-vous. Et à vrai dire pas que pour la chaîne.
Harry Houdini a connu une vie des plus mouvementée. Très tôt, le petit né Ehrich Weisz a su ce dont il avait envie et montré sa détermination pour gravir petit à petit les échelons de la société de l’époque, convaincu qu’il ne vivrait pas de la même manière que son père. Et c’est à travers les différents tours – tous plus ou moins célèbres – du devenu The Great Houdini, que nous suivons l’évolution du personnage, en apprenant même énormément de choses. Peut-être même trop, puisque le scenario prend par moment des libertés avec la réalité en affirmant des faits qui jusqu’à maintenant n’ont pas réellement été confirmés. Mais comme on dit, entre légende et réalité, choisissez la légende.
Raconter ici les moindres détails des deux et uniques épisodes n’aurait pas un grand intérêt si ce n’est celui de décourager les curieux. Et ça serait vraiment dommage tant le montage est audacieux. Très inspiré par la réalisation de Sherlock, de l’aveu même de Gerald W Abrams, producteur de Houdini, on retrouve effectivement des effets de style similaires. Ainsi, apparaissent régulièrement des incrustations, notamment lors des évasions du magicien mais aussi sur les fameux coups de poing sur les abdos que Houdini encaissait volontiers pour soulager la frustration de son public. On retrouve aussi les flashbacks explicatifs pour souligner à quel point Houdini était surprenant, même si la manière et le propos ne sont pas les mêmes que ceux du célèbre détective. Enfin, le lien avec Holmes est décrit dans la série elle-même puisque de son vivant, Houdini a été ami avec Sir Conan Doyle, auteur des véritables aventures de Sherlock Holmes.
Mais bien entendu, Houdini est loin de n’être qu’une copie de la très réussie Sherlock. Ces effets de style viennent en réalité appuyer une rythmique très marquée dans les deux épisodes, avec une véritable dynamique qui ne souffre aucun longueur, la vie palpitante de Houdini ne permettant pas de se perdre dans les dialogues et les descriptions. C’est sans doute l’un des regrets que l’on peut avoir sur cette série qui aurait peut-être mérité une durée de vie plus longue. Avec une tel matière, on aurait sans doute pu réaliser plusieurs saisons ou une seule avec davantage d’épisodes. On regrette presque de ne pas avoir un peu de rab…
Les deux épisodes vont s’attacher chacun au développement d’une intrigue principale en plus de la description chronologique de la vie du magicien. Le premier montre la naissance de l’artiste, le chemin qu’il va emprunter pour gravir les échelons de la société. L »intrigue principale – celle qui fait de Houdini un homme important dans l’Histoire selon les scénaristes – va accaparer l’ensemble de l’attention là où l’on aurait aimé prendre un peu de temps pour d’autres choses. On aurait aimé mieux comprendre l’enfance de Ehrich qui deviendra plus tard Harry, les relations entre le père et le fils, mieux connaître Jim Collins, le principal assistant de Houdini, fort bien interprété par Evan Jones et qui est sans doute l’un des points fort de la série.
Le deuxième épisode s’attache logiquement à la fin de carrière du prestidigitateur, et parle de sa longue et véritable lutte contre les charlatans et les adeptes du spiritisme. Mais là encore, des intrigues passent à la trappe faute de temps, comme son passage à vide au milieu de sa carrière, s sa passion de l’aviation ainsi que son avis sur l’avènement du cinéma et d’autres artistes comme Chaplin qu’il évoque par moments. On regrette donc – et c’est assez rare pour le signaler – que le spectacle soit si court.
En revanche, Houdini va développer tout au long des deux épisodes la relation de l’artiste aux femmes les plus importantes dans sa vie : sa mère et sa femme. Ehrich Weisz ne serait sûrement pas devenu Harry Houdini, sans le soutien inconditionnel de sa mère. Interprétée par Eszter Onodi, Cécilia Houdini fera parti intégrante de la vie de Harry, sans doute trop pour le commun des mortels, comme le décrit le second épisode.
Cette relation entrera en conflit avec celle du magicien et de sa femme Bess, dont la jalousie ne transparait que peu. La série s’attachera plutôt à montrer la complexité la relation homme-femme dans une vie d’artiste en permanence sur les routes, mais aussi sur les rapports de confiance nécessaires pour la longévité d’un couple. Et il en faut de la confiance, lorsqu’on vit avec le roi du mensonge et de l’illusion ! Kristen Connolly s’en sort haut la main dans ce rôle et tient la mesure d’un Adrien Brody dont il sera difficile désormais de le dissocier de Houdini, tant on sent l’envie de l’acteur d’incarner l’artiste.
Ces deux relations, essentielles dans la vie de Houdini, bien que décrites sur l’ensemble de la série sont malheureusement elles aussi prises dans son rythme intense et c’est notamment la relation de couple qui en pâtit le plus. Pourtant, tout dans Houdini nous donne envie : un casting réussi, une histoire fantastique pleine de rebondissements et d’intrigues, une époque qui permet les meilleurs décors et plusieurs références historiques qui ancrent l’histoire dans le temps pour la rendre d’autant plus réelle.
Houdini est donc une petite perle, qui aurait pu être en fait une vraie belle perle si on lui en avait donné l’opportunité. À la place, on reste sur une minisérie pleine de bonne volonté, qui s’en tire plutôt très bien, et avec laquelle il nous faudra un effort d’imagination pour répondre à l’ensemble de nos propres questions restées en suspens. Et après tout, il vaut peut-être mieux rester sur notre faim que ne pas pouvoir finir nos assiettes. Alors ne boudons pas notre plaisir et profitons de la rareté toujours très précieuse.
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