Blonde Redhead – 20 ans de carrière, 9 albums et une renommée acquise depuis maintenant belle lurette – était de passage au Bikini à l’occasion de la sortie de son nouvel album, Barragan, fraichement sorti en début de mois. L’occasion pour nous de retourner à la rencontre de ces New Yorkais devenus avec le temps un incontournable de la scène indie rock.
Formé au début des années 90, Blonde Redhead est composé d’un trio indéboulonnable depuis leur premier album éponyme. Kazu Makino, charismatique bassiste et chanteuse du groupe, accompagne ainsi les jumeaux Amadeo et Simone Pace, respectivement à la guitare / chant et à la batterie depuis toujours. Leur musique est à leur début très souvent comparée aux célèbres Sonic Youth. En effet, Blonde Redhead multiplie les distorsions et encourage souvent les saturations de guitares. Rien de moins étonnant alors de voir Steve Shelley, batteur des Youth, les prendre sous son aile en les invitant sur son propre label, Smells Like Records, pour leurs deux premiers albums. Cette influence ne réduit en rien le talent du groupe qui volera très rapidement de ses propres ailes. Dès leur cinquième album, Blonde Redhead évolue de plus en plus vers des horizons moins bruitistes, laissant plus de place à la mélodie, aux ambiances, et à une musique plus pop. Ce choix artistique, lié à une évolution toute personnelle du groupe, leur a sans doute permis d’élargir une base de fan déjà bien étoffée. Leur dernière production est donc naturellement plus classique et comporte, tout comme leurs premier essais, quelques perles dont on ne pouvait décemment pas rater la réécoute en live.
Mais malgré la carrière de Blonde Redhead, c’est une salle clairsemée qui nous accueille ce jeudi soir au Bikini. C’est surprenant, les places ne se sont visiblement pas arrachées, ce qui rend finalement la chose beaucoup plus intimiste, pour ne pas déplaire au public. L’ambiance est sereine et détendue. Sur scène, rien ne dépasse et le strict nécessaire est là, et c’est donc à trois que se présente Blonde Redhead sous les applaudissements d’un public de connaisseurs.
Sans surprise, Barragan est largement mis en avant, et le titre qui donne son nom à l’album a l’honneur d’ouvrir le bal. Une lente introduction parfaite pour un enchainement avec Lady M également issue du dernier opus. Kazu Makino laisse ainsi sa voix pénétrer la salle, cette fameuse voix lointaine et volontairement peu déchiffrable, à la manière d’une Bilinda Butcher de My Bloody Valentine, elle continue de faire vibrer depuis toutes ces années les fans de Blonde Redhead. Mais si l’instant est intense, la voix d’Amadeo Pace sur la fabuleuse Falling Man – issue de Misery Is A Butterfly – vient juste après saisir le public, le scotchant littéralement tant le son est juste et fort. Le titre joué sur les chapeaux de roues prend sur scène une envergure encore plus importante et constitue le premier temps fort du concert.
Car il faut dire que les morceaux joués ce soir vont être pour la plupart assez lents, produisant une ambiance particulière et propre au groupe, qui renforce l’impact des titres forts et puissants, tout en permettant une alternance intéressante. Issue de l’album Penny Sparkle, Love Or Prison impose ainsi cette ambiance avec classe, notamment grâce à un Simone Pace incroyable à la batterie. Il sera d’ailleurs l’élément fort de ce set. Alors qu’on pensait que Kazu Makino serait la clé du concert, elle rencontre ce soir-là des difficultés de justesse dans le chant et on préférera écouter Amadeo qui la surclassera régulièrement.
Reste le plaisir de redécouvrir le dernier album en live, avec Mind To be had, tout en longueur, notamment dans son introduction démontrant s’il en était encore besoin la maîtrise du groupe, et sur No More Honey, assumée par Kazu, chanson beaucoup plus risquée basée sur la rupture, reposant sur la voix et les rebonds réguliers à la fois de la basse et de la guitare. Blonde Redhead a encore des choses à offrir, comme ce superbe Dripping, single de Barragan qui bénéficie d’une base rythmique juste affolante et d’une introduction qui ne peut laisser personne indifférent.
Mais les meilleurs moment du concert seront les titres issus du très bon album 23, tel l’énergique Spring And By Summer Fall qui va être la seule à faire décoller les pieds du sol à un public toulousain encore une fois trop statique. Avec Spring And By Summer Fall, Blonde Redhead tient son single absolu, un titre qui fonctionnera toujours en concert, idéal pour casser les routines et les ambiances trop intrusives et relancer la folie. Melody Of A Certain Three finira dans cette même touche le set principal au bout d’une cinquantaine de minutes. Difficile de ne pas croire en un rappel.
C’est donc avec les efforts d’un public peu convaincu que Blonde Redhead revient mettre en avant Barragan avec le single The One I Love puis la très originale Defeatist Anthem (Harry and I) qui renvoie directement aux premiers albums des Américains. Ces titres ne seront d’ailleurs pas dépourvus de quelques couacs. Plus tôt, il aura même fallu que Kazu Makino reprenne complètement une chanson dont elle avait oublié les paroles. Elle s’en excusera d’ailleurs, et il est bien difficile de lui en vouloir tant l’instant est au fond amusant.
Le show s’achèvera après la magnifique 23, excellente chanson à l’énergie folle qui permet un finish impeccable grâce à la voix de Kazu, très en jambe sur ce morceau, plein d’urgence dans les refrains. On sent que la fin est proche, trop proche puisque le concert a duré à peine plus d’une heure. On ressort du Bikini avec un sentiment de frustration – avec autant de chansons dans l’escarcelle, on aurait logiquement pu s’attendre à plus de générosité – mais sans regretter d’avoir croisé le chemin de Blonde Redhead dont les chansons prennent une envergure différente sur scène. Sans faire de grand bruits, les Américains mènent une carrière remarquable et restent toujours aujourd’hui en capacité d’apporter des moments de grâce.
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