On aurait pu croire la source tarie tant le cinéma et le petit écran en ont parlé. On ne s’imagine plus y trouver quelque chose d’original ou d’ambitieux et c’est bien vite que notre intérêt se porte sur des sujets plus affriolants. On en a soupé de la guerre froide et de cette rivalité entre Russes et Américains qui autrefois mettait la planète entière en émoi à chaque sortie hasardeuse des dirigeants en charge. D’ailleurs, d’autres rivalités semblent être davantage d’actualité et de la même façon, les scénaristes s’en sont emparées. Le 11 septembre est passé par là et la guerre froide semble désuète, si l’on peut dire… Les succès de 24 heures Chrono et, toujours actuellement, de Homeland confirment bien cette tendance. Pourtant, depuis maintenant 2 ans, une série américaine vient contredire tout ce qu’on l’on pensait. Elle a débuté, ce 28 janvier 2015, sa troisième saison et il était grand temps d’en parler puisqu’elle sera diffusé dès le 3 février en France, sur Canal + Séries.
The Americans présente donc une histoire qui se déroule au tout début des années 80. L’époque est assez incongrue aux États-Unis, car nous sommes en pleine paranoïa envers les Russes et pour autant, c’est l’époque où la technologie s’accélère et le quotidien aussi. La société du divertissement et des loisirs commence réellement à prendre sa place, avec l’apparition des jeux vidéos, la propagation toujours continue des téléviseurs, du cinéma et tout simplement des technologies. Le pays oscille donc entre la peur systématique d’un désastre annoncé et l’insouciance d’un pays en pleine expansion culturelle internationalisée. Bref un terrain idéal pour développer une histoire passionnante comme nous le démontre The Americans.
Alors, quelle est cette formule qui nous permet d’accrocher une nouvelle fois à cette atmosphère ? L’idée est assez simple : des Russes infiltrés aux États-Unis même. Mais attention, pas n’importe quels Russes ! Il s’agit ici d’un petit couple de trentenaires, tout ce qu’il y a de plus beau et de plus américain. Le couple parfait qui a donné vie et fait grandir deux beaux enfants américains, tout ce qu’il y a de plus cliché dans ce monde puritain à souhait. Des Russes qui bien entendu ont des identités bien américaines, des papiers et une histoire qui s’est soit disant déroulée aux États-Unis.
Cette idée est d’autant plus étonnante qu’elle a réellement existé : Joe Weisberg créateur de la série et ancien agent de la CIA s’inspire d’histoires qu’il a lui même connues. Mais bien-sûr, la série ne repose pas uniquement sur cet état de fait. Cette série, qui rencontre un succès loin d’être négligeable, repose à la fois sur la formidable prestation des acteurs principaux, à savoir Matthew Rhys et surtout Keri Russell, mais aussi sur une trame scénaristique basée à la fois sur la tension continuelle qui plane sur cette famille du fait de leur métier, ainsi que sur la relation singulière qu’entretient ce couple d’exilés.
Des qualités assez communes pour les séries de qualité. Alors il en fallait un peu plus. The Americans se passe dans le début des années 80, l’occasion rêvée pour en ressortir tous les petits éléments qu’on apprécie et qui font toute la nostalgie de cette période. Ainsi, les vêtements, la décoration des maisons, le style et le rythme de vie des familles, les balbutiements technologiques s’en donnent à cœur joie. L’espionnage donne aussi à chaque épisode la possibilité de voir des looks improbables. C’est vraiment la fête à la perruque, car nos deux espions doivent se grimer pour parvenir à leurs fins, ce qui donne de temps en temps de savoureux moments. Le tout renforcé par un grain d’image volontairement passéiste nous encrant ainsi facilement dans l’époque.
Sans parler de la bande originale qui n’hésite pas à ressortir des tubes de l’époque. Pas toujours du meilleur acabit, certes, mais c’est toujours intéressant. On y entend par exemple, Phil Collins, Roxy Music, Fleetwood Mac, mais aussi Echo And The Bunnymen et les Cure. Cependant, pour en rassurer quelques-uns, la BO comprend aussi des musiques plus classiques et propres à la série permettant, comme il se doit, de faire monter la pression ou de l’apaiser.
Passé ce revival, The Americans étonne dans sa formule. Certes, on y trouve tous les éléments d’une série d’espionnage, mais on embarque dans une histoire qui va entremêler les visions de deux nations rivales. La série propose ainsi de suivre également l’histoire de Stan Beeman, interprété par Noah Emmerich qu’on a déjà croiser de-ci, de-là au cinéma ou au petit écran, qui va évidemment tout faire pour appréhender les espions russes qu’il peut y avoir sur le territoire américain. Il est ainsi amusant de voir l’évolution de ces deux histoires entremêlées au fur et à mesure que l’une ou l’autre des parties gagne des batailles. Notamment parce que Stan est finalement très proche de la famille russe et ce, sur plusieurs plans qu’il vaut mieux découvrir par soi-même.
Le plus fort dans la série est de faire en sorte que le public – et donc prioritairement des Américains – soit régulièrement amené à s’inquiéter et à défendre ce petit couple russe qui ne fait rien d’autre de ses journées qu’à nuire aux Américains eux-mêmes ! Car la puissance de la série repose essentiellement sur ce couple et leurs relations à l’Amérique, mais aussi et peut-être surtout intime.
À ce petit jeu, c’est Keri Russell qui s’en sort le mieux, réellement impressionnante dans son rôle. On l’avait connue à l’époque, dans Felicity et il serait dommage de s’arrêter à cette prestation et à ce rôle tant elle révèle tout son talent dans le rôle d’Elisabeth. Matthew Rhys, lui aussi déjà vu plusieurs fois, notamment dans Brothers & Sisters, n’est pas non plus en reste puisqu’on s’attache réellement à son personnage.
Deux problèmes principaux se posent pour la petite famille. Le premier, le plus évident, est de résister aux avantages de l’American Way Of Life. Venu d’une Russie très rude, aux principes et aux conditions de vie très strictes, il est bien difficile de garder fidélité à la Mère Patrie. D’autant plus que les petits rejetons nés du mariage de nos deux agents sont venus au monde aux États-Unis et possèdent donc une nationalité et une culture entièrement américaine.
Le deuxième se découvre au fur et à mesure des épisodes. Comme on peut l’imaginer facilement, le couple mène une vie difficile qui ne facilite pas les relations conjugales… Philip et Élisabeth sont deux personnages complémentaires, mais assez différents. Ils ont en commun un professionnalisme hors du commun, ce sont deux agents au sang froid qui peuvent gérer les situation les plus critiques. Ils n’hésitent ainsi pas à tuer, parfois même des innocents qui pourrait mettre en péril leur couverture, mais aussi s’adonner au sexe et aux relations extraconjugales, si leur mission le demande.
En revanche, se sont deux caractères différents. Philip est d’un naturel avenant et sympathique. Il s’accommode plutôt bien de sa vie américaine et en profite de temps en temps pendant qu’il partage une complicité importante avec ses enfants. Élisabeth est par contre plus sévère et réservée. Elle est entièrement vouée à sa cause et possède un vrai caractère. C’est l’élément fort du couple, ce qui tranche avec les postures habituelles. Ainsi, leur relation représente véritablement l’élément essentiel de la série. Comment leur relation évolue, c’est ce qui nous tient en haleine. Leur passé et leur histoire est déjà longue, pourtant rien ne semble simple. On essaye de comprendre les tenants, mais malheureusement les éléments nous manquent. Ainsi se joue devant nous, une histoire dans l’histoire, dont on aimerait qu’elle se déroule comme on l’entend. On se surprend à prendre partie pour l’un ou pour l’autre et leur histoire touche forcément, à plusieurs points de vue.
Voilà pourquoi The Americans réussit encore aujourd’hui à retenir l’attention sur un sujet déjà bien traité. En mêlant des thématiques de la vie courante aux notions d’espionnage, la rivalité entre deux camps et la complexité des choix de vie en société, The Americans gagne son pari grâce à des acteurs habités et à une totale maîtrise du sujet. On a donc hâte de découvrir cette troisième saison et il est d’ailleurs tentant de se repasser les deux précédentes, en guise d’entrée.
The Americans, saisons 1 et 2
Note:
Saison 3 actuellement sur Canal + Séries