C’est avec une régularité déconcertante que Hot Chip se rappelle à nous. Tous les deux ans depuis 2004 maintenant, les Anglais sortent un nouvel album un peu comme les compétitions internationales de football… Cette année est semble-t-il l’exception qui confirme la règle, puisque nous somme dans une année impaire ! C’est sans doute la seule différence, parce que la qualité intrinsèque des compositions reste quoi qu’il en soit inébranlée.
Le temps passe si vite. Le banc des études était encore chaud à l’époque où Hot Chip s’engageait dans l’aventure de la musique. On découvrait alors à l’époque un jeune groupe vaillant, Coming on Strong, comme ils le disaient si bien, avec l’intention de mélanger les genres et de faire de la folk acoustique, que Joe Goddard et Alexis Taylor affectionnent particulièrement à l’époque, quelque chose de contemporain en l’associant à de la pop électronique ! Une véritable réussite, puisque la critique presse et publique est au rendez-vous.
Signé d’abord sur le label indépendant Moshi Moshi, ils rejoignent bien vite les rangs de James Murphy (LCD Soundsystem), à qui tout réussit en ce milieu dans années 10 auprès du label fleurissant DFA Records. L’occasion pour Hot Chip de sortir l’un de leurs albums les plus marquants, avec The Warning et qui va véritablement porter la résonance du groupe à l’international. Le sort en est alors jeté, Hot Chip fera marque dans la décennie, et les albums qui suivront le confirmeront.
Hot Chip est assez difficile a décrire. Cela vient surtout du fait que ses membres se refusent à instaurer un son propre au groupe. Là ou chacun essaye de se démarquer pour marquer l’histoire musicale, les Anglais ont la volonté inverse : avoir un son le plus varié possible pour ne jamais avoir de limite et éviter l’auto parodie. Bien entendu, l’objectif final reste le même, mais l’approche est suffisamment étonnante pour être soulignée. Ainsi, au fil des années, le son de Hot Chip a toujours évolué, ce qui lui a permis de mettre en place sa réputation de groupe avant-gardiste, aventureux et terriblement efficace. Petit-à-petit leur son est devenu un peu plus accessible. Leur approche est plus globale, puisque leurs créations sont davantage pensées pour la scène. On l’a très bien vu lors du succès de Ready For The Floor en 2008 et encore récemment avec l’excellent album In Our Heads, véritable machine à danser.
En mettant en avant les sons kitschs des années 80, Hot Chip réinvente un style en le déringardisant et en le replaçant au centre des attentions. Il faudra cependant plus d’une fois assumer sans concession son hétérosexualité, car les sonorités et le timbre de voix haut perché d’Alexis Taylor peuvent paraître par moment connotées… Le propos n’étant pas vraiment là pour les Anglais, c’est sans mal qu’on se laisse entraîner par leurs rythmes très maîtrisés.
Plus que convaincu par In Our Heads en 2012, Hot Chip avait encore une fois un gros challenge à réussir : faire au moins aussi bien avec Why Make Sense?, fraîchement sorti le 18 mai dernier. Alors il faut l’avouer, la musique de Hot Chip n’est pas d’une accroche immédiate. Il faudra plusieurs écoutes pour en prendre toute la saveur. Même si les Anglais sont cette fois-ci restés très proches de ce qu’était le précédent album, encore une fois, il faut déconstruire et s’habituer à une ambiance tout de même différente.
Le single Huarache Lights (référence aux chaussures préférées d’Alexis Taylor) sorti quelques semaines en avance, faisait déjà danser dans les chaumières, et ne laissait présager que du bon. Elle deviendra d’ailleurs le fer de lance de Why Make Sense? bien secondée par Need You Now, deuxième single plus doux et classique, dont la référence eighties est indéniable, et surtout très bien portée par un excellent clip vidéo.
Avec de tels amuses gueules, on avait hâte de voir à quoi ressemblait le reste ! Et comme expliqué plus haut, il faudra plus de temps pour se laisser convaincre par les compositions les plus audacieuses. Le rythme saccadé de Love Is The Future est plus difficile à intégrer, tout comme l’électronique Cry For You qui deviendra toute cristalline à l’occasion d’un refrain auquel nous ont désormais habitué les Anglais. Mais ces deux chansons, mine de rien, s’insinuent au fur et à mesure des écoutes dans un cerveau prédestiné à les apprécier. C’est une des marques des grands groupes que de convaincre les plus sceptiques !
On sera en revanche beaucoup moins sur la réserve avec des chansons comme Started Right, qui pourrait en agacer plus d’un, mais qui au contraire intrigue par ses cassures et finit littéralement par emporter la mise lors qu’intervient le refrain. Dark Night est un peu la surprise du chef, avec une introduction, digne des plus belles réalisations électroniques, et cette ambiance finalement presque triste qu’on ne retrouve que très peu dans les compositions d’artistes électro. Excellente composition qui sera parfaitement secondée par Easy To Get, un peu plus enjouée. Hot Chip parvient par sa connaissance large de la musique, à nous transporter dans des horizons encore trop méconnus et c’est ce qui fait sa force.
Hot Chip terminera son album par la chanson éponyme qui de façon étonnante clôture cet album sur une touche presque pessimiste qui n’est pas dans l’habitude du groupe. C’est d’ailleurs une de ses marques de fabrique que d’être ostensiblement enjoué et sautillant. Mais il en faudra bien plus pour nous ôter l’enthousiasme de cet album encore une fois réussi.
Certes, certains l’ont déjà décrit comme étant le premier album « plat » de Hot Chip. D’un certain côté, il est sans doute moins aventureux qu’ont pu l’être les précédents, mais il est sévère de le réduire à cet état de fait. Se renouveler est chaque année qui passe plus difficile. Hot Chip a les défaut de ses qualités, c’est à dire qu’à force de tirer vers l’excellence, on finit forcément par y arriver, et donc à ne pas pouvoir faire mieux. Sans doute l’a-t-il touché du bout des doigts, mais Hot Chip a encore de la marge et saura sans aucun doute nous étonner encore dans deux ans avec un nouvel album.
De notre côté, on considèrera Why Make Sense? comme un album abouti, dans une certaine continuité de In Our Head et qui sait largement remplir les objectifs qui lui sont fixés. Hot Chip reste aujourd’hui plus que jamais une référence, et clairement un exemple à suivre pour la nouvelle génération.
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