L’accouchement du dernier-né de Marvel ne s’est pas fait sans douleur. D’abord aux commandes, le talentueux Edgar Wright (Shaun of the Dead, Scott Pilgrim) s’est retiré du projet suite à des divergences artistiques avec la firme. Parmi les divers scénaristes entre les mains duquel le projet repasse avant de voir le jour, citons Adam McKay, le génial créateur de Frangins malgré eux et Anchorman. Des personnalités comiques aussi douées peuvent-elles imprimer leur sceau sur une production qu’on peut croire d’avance vouée au formatage ? L’abandon de Wright à la réalisation, remplacé par un exécuteur du cahier des charges, semble en tout cas bien symptomatique.
Comme avec Les Gardiens de la galaxie l’an dernier, Marvel semble vouloir placer ses blockbusters estivaux sur le créneau comique. Et sur ce point, Ant-Man se situe bien loin de la « coolitude » jusqu’au-boutiste de son prédécesseur. Même les tentatives de désamorçage de solennité des séquences-émotions, qui faisaient mouche dans Les Gardiens, ont ici goût de déjà-vu.
Le film parvient malgré tout à déployer quelques marques de singularité. L’homme-fourmi, c’est avant tout un sujet de rêve pour s’amuser avec la mise en scène des différences d’échelle. Le film y parvient plutôt. Nous épargnant dans l’ensemble les éternelles successions d’explosions, Ant-Man met son protagoniste face à des menaces inédites, telle une baignoire qui se remplit d’eau, ou bien une séquence réjouissante où affrontant le méchant à l’intérieur d’une mallette, la menace de désintégration proférée par ce dernier lance par reconnaissance vocale l’album de The Cure sur un I-Phone transformé en sono géante. La faculté de rapetissement et de grossissement touche non seulement les personnages mais aussi les objets, jusque dans la scène d’affrontement final sur un train électrique, vraiment réussie. Et pourtant… et pourtant reste le sentiment que le film pourrait aller bien plus loin. Le blockbuster américain, doté de moyens illimités, est finalement le seul a pouvoir pousser très loin l’expérimentation dans la scène d’action (Mad Max Fury Road en est le magnifique exemple).
Mais non, le film préfère s’égarer en longs bavardages, nous offrant une soupe convenue d’histoire de rédemption et de mentorat. Et quand dans une scène très belle le film pourrait pour de bon basculer dans le mélo, bien vite une pirouette vient remettre en place les rails vers le happy end de rigueur, car il faut fournir matière pour les suites, dont la sempiternelle séquence post-générique écrit d’ailleurs les premières lignes.
Les motivations de l’antagoniste, voulant faire du costume d’Ant-Man une redoutable arme de guerre qui transforme les militaires en invisibles – et donc invincibles – minuscules soldats, est aussi un très beau matériau. La menace, évoquée, ne s’incarnera jamais vraiment (peut-être, on peut rêver, dans un prochain film ?). Rêvons à ce qu’aurait fait un Paul Verhoeven d’un sujet si propice à la corrosivité politique mais qui là ne prend pas corps.
Le peu de surprise du film se niche dans les détails, avec en premier lieu Michael Peña en hilarant complice du héros. Des traces de l’originalité d’un script dû aux talents réunis de Wright et de McKay surnagent ici et là, mais comme des lointains souvenirs du niveau de délire atteint dans leurs réalisations antérieures. N’embrassant que timidement son sujet pourtant fertile, le nouveau Marvel renonce à être plus qu’un produit supplémentaire au catalogue d’un studio où tous les films se ressemblent déjà.
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