Révélé prématurément aux yeux du grand public grâce à quelques premières parties de Nine Inch Nails lors de sa gigantesque tournée nord-américaine intitulée Lights In The Sky en 2008, HEALTH avait fait un sacré remous de par sa musique électronique noisy pleine de fureur et son show de qualité. A une époque où Crystal Castles cartonnait avec son fabuleux premier album, la musique digitale la plus bruitiste devenait légion et HEALTH en proposait alors le versant le plus virulent et expérimental. Entre instruments rocks traditionnels et nappes synthétiques, le quatuor californien balançait une musique unique oscillant entre un bazar noise proche des grandes heures de Sonic Youth et des envies plus Pop/New Wave à la Depeche Mode, traduites notamment par la voix si efféminée de Jake Duzsik. Après deux LP plein de promesses, HEALTH en 2007 et Get Golor en 2008, ainsi que deux remix albums de chacun d’entre eux qui ouvraient leurs musiques vers des cieux plus lumineux – //DISCO et DISCO 2 – le groupe s’était plongé dans un hiatus de longue durée, dérangé uniquement par la composition de l’excellente B.O. du jeu vidéo Max Payne 3 en 2012. Cette dernière sortie avait d’ailleurs montré leur progression dans la production, plus lourde, moins étouffée, et un détour plus prononcé vers le champ des musiques électroniques. DEATH MAGIC, quatrième LP du groupe se devait de concrétiser cette évolution et peut-être enfin leur permettre d’offrir leur premier bijou.
DEATH MAGIC, s’il n’est malheureusement pas ce chef d’oeuvre tant attendu est très certainement le meilleur opus du quatuor, son plus abouti. La démarche lente et progressive amorcée il y a déjà 8 ans semble atteindre son but et HEALH dilue ces expérimentations supersoniques et numériques dans des chansons aux formats et potentiels Pop indéniables. Avouant leur passion pour Depeche Mode, ils n’ont jamais semblé aussi proche de leurs idoles. Les tubes que sont STONEFIST, DARK ENOUGH, FLESH WORLD (UK) et même la très abstraite NEW COKE sont tous traversés par le spectre de l’Electropop de la fin des années 1980, l’après New-Wave, lorsque les instrumentations rocks cédaient leur place aux beats électroniques et aux nappes de synthés. On peut même aller plus loin en décelant une influence de la musique Rave du début des années 1990’s, quand la drogue s’immiscait dans ce cocktail détonnant. De drogue il en est justement question dans cet album (de sa pochette kaléidoscopique aux titres NEW COKE, SALVIA et DRUGS EXIST) mais HEALTH semble rejeter toute béatitude, à part peut être sur les mielleux LIFE et L.A. LOOKS – la seconde étant nettement mieux réussi que la première et ses allures de générique de Teen Movie. L’absence de chaleur humaine et acoustique au profit du tout digital et froid donne des allures de bad trip sous acides aux 40 minutes que contient DEATH MAGIC. Le titre de l’album devrait peut-être être traduit « magie morte » plutôt que « mort magique » tant la musique de HEALTH sonne ici comme de la Pop froide, qui fonctionne, fait danser mais reste angoissante.
Le parallèle avec Depeche Mode s’arrête donc là et ceci même si on croirait entendre Dave Gahan susurrer à travers la voix de Jake Duzsik dans les refrains des excellents STONEFIST et DARK ENOUGH. Le mélange de Pop et de mort, aussi bien dans les paroles que dans le son, évoque évidemment la musique de leur « mentor » Trent Reznor, le célèbre leader et fondateur de Nine Inch Nails. De Pretty Hate Machine en 1989 jusqu’à Hesitation Marks en 2013, ce dernier est passé d’une icône de l’underground à l’univers proche du Goth et du Metal à un outsider de la musique Pop/Rock, oscarisé pour sa B.O. de The Social Network (avec son comparse Atticus Ross) mais toujours passionné par les sonorités élecroniques/industrielles. DEATH MAGIC embrasse la dubstep de Skrillex (STONEFIST, NEW COKE), l’Electro intimiste et sentimentale de Caribou et SBTRKT (HURT YOURSELF, DRUGS EXIST) et la Pop de stade de Coldplay et Muse (LIFE et L.A. LOOKS) dans son style noisy caractéristique. Leurs origines se ressentent d’ailleurs pleinement dans les diverses interludes qui parsèment l’oeuvre (MEN TODAY, COURTSHIP II, SALVIA). Cela donne donc un mélange aberrant au premier abord mais fascinant et unique atteignant des cimes par instants – le hit STONEFIST, le sensuel DARK ENOUGH et l’aérien et abstrait NEW COKE – qui présage d’un avenir artistique radieux pour HEALTH si leur mue conserve cet équilibre ténu entre deux entités contraires.
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