Et nous voilà de nouveau dans l’enceinte du Fort St Père, à quelques kilomètres de St Malo. La tradition perdure : la pluie est bien présente en ce vendredi ce qui, malgré les gros travaux de drainage qui ont eu lieu cette année, n’a pas sauvé l’ensemble du site de mares d’eau et autres passages boueux ! Bien heureusement, la pluie aura la bonne idée de s’en aller avant le début des concert au Fort, ce qui n’aura tout de même pas sauvé Forever Pavot, initialement programmé sur la scène de la Plage dans l’intramuros de St Malo, mais qui aura eu la chance d’investir la salle de la Nouvelle Vague.
C’est donc les bottes et le Kway sortis que se présentent les festivaliers devant la scène du Rempart pour écouter Wand, qui aura l’honneur d’ouvrir les hostilités cette année. La scène garage de la côte ouest californienne était à l’honneur ce soir, puisque Wand qui a sorti son premier album Ganglion Reef en 2014, est signé sur le label God? Record appartenant à Ty Segall qui passera quelques heures plus tard sur la grande scène avec son autre groupe Fuzz !
Wand proposera un set honnête qui permettra à tout le monde de se mettre dans le bain. Une évocation de la fameuse chanson The End des Doors aura l’occasion d’être entendue, mais pas menée à son terme. Par contre, nous aurons l’occasion d’entendre différentes chansons issues de leur dernier effort Golem, comme The Unexplored Map ou encore Floating Head.
On change de scène pour rejoindre un groupe un peu plus attendu ce soir là, puisque se présente le devenu mythique Thurston Moore et sa bande. On l’avait déjà croisé à deux reprises sur cette même scène avec les grand Sonic Youth, mais cette fois c’est comme un grand qu’il revient. Habillé en universitaire de Cambridge, sa guitare prend toujours aussi cher. Accompagné par Debbie Googe de My Bloody Valentine, nous voilà sur de bonnes bases ! La qualité est toujours là, l’envie, la passion ne sont pas dissimulées, mais il est vrai qu’on ne sera pas réellement transcendé outre mesure par la performance. Thurston Moore ira comme toujours titiller les enceinte avec sa guitare, son âme d’ado est toujours présente ! On est content d’entendre Grace Lake ou Turn On, mais on a vraiment un sentiment de déjà vu, voire pire, d’un « c’était mieux avant » ! Cela dit, on reste sur un niveau qui ne nous permet pas vraiment de nous plaindre…
Ty Segall, un des hommes les plus prolifiques du moment, se présente alors lui aussi sur la grande scène avec son autre groupe Fuzz. Il se présente alors avec Charles Moothart, son guitariste dans Ty Segall Band et Chad Ubovitch des Meatbodies, le visage peinturluré en blanc et noir, tel des pandas un peu malades ! Cet effet de style ne troublera pas le concert outre mesure et nous aurons la chance de découvrir sur scène de nouvelles chansons de leur deuxième album à paraître, mais aussi d’entendre les chansons du premier album éponyme. Le trio est bien, tout devant de la scène, voulant vraisemblablement créer un peu d’intimité en cette fin de journée, et déroule en étirant les chansons par divers solo de guitare ou de batterie. Nous aurons la chance d’entendre le rock endiablé de Fuzz Fourth Dream, mais aussi What’s In My Head, chanson par moments plus calme et qui nous laisse entendre la voix de Ty Segall. Hazemaze sera placé en rappel de luxe, d’un set comme souvent trop court. Voilà un concert qui a tenu toute ses promesses et sera bien classé dans la 25ème édition de la Route du Rock !
Alors que la nuit tombe vraiment sur le fort, l’une de nos plus grandes attentes s’avance sur scène. Nous avions hâte de découvrir Algiers, un trio gospel punk nous a-t-on annoncé, dont les premières écoutes avaient particulièrement attisé notre curiosité. Les découvertes n’étant pas rares à la Route du Rock, puisque l’on avait appréciée les passages de Alt-J, Breton ou encore de Suuns, pour ne citer qu’eux, on s’attendait à une nouvelle pépite. Les titres déjà parus comme Remains dont l’écoute nous avait parue très intéressante, ne laissait présager que du bon. Mais cette fois-ci, ça a fait pschitt ! Algiers est venu plein d’entrain et d’envie, et à vrai dire peu être trop. Si sur platine, on est séduit, l’énergie folle de Franklin James Fisher paraît bizarre, comme un peu fausse, mais au delà du chanteur, c’est véritablement Ryan Mahan, bassiste, claviériste qui très vite épuisera le public par son comportement beaucoup trop expansif. Par moments, on le surprend à chanter les chanson hors micro, il est comme habité. Habituellement c’est plutôt bon signe, habituellement donc… Il s’accapare l’ensemble des regards et c’est parfois dérangeant, notamment sur Black Eunuch, un des titres phares, mettant en avant ces fameux chants d’esclaves. Du coup, on ne profite pas vraiment de la prestation et on sort un peu du concert. C’est fort dommage, parce qu’avec un peu plus de sobriété, nous aurions pu assister à quelques chose de grand. Car il faut bien avouer que l’on a assisté à quelque chose de nouveau qui sur album à de quoi convaincre véritablement. On laissera volontiers une deuxième chance à Algiers qui malgré tout aura fait un show remarquable et aura à coup sûr marqué le public.
De retour sur la grande scène, nous n’attendions pas grand chose d’un des groupe attendus ce soir, et surtout pas à l’horaire de la tête d’affiche. Et encore une fois, nous avons été surpris. Timber Timbre, venait défendre Hot Dreams sorti l’année dernière, a réalisé une prestation fort convaincante. On s’est laissé séduire par l’ambiance enivrante produite par ces Canadiens. Les chansons fortes comme Curtains!? n’ont pas manqué leur cible. Écumant les scènes depuis 2005, la popularité du groupe n’a jamais cessé de s’étendre pour atteindre son apogée lors de leur album éponyme en 2009. Depuis, ils maintiennent le niveau. Les craintes d’un rythme lent et pénible se sont vite évaporées laissant place à un jeu de lumière bien maîtrisé, mieux que le micro de Taylor Kirk (aucun lien) qui bourdonnait par moments sérieusement. Ce petit tracas n’y fera rien : on a aimé Timber Timbre.
La suite, c’est Girl Band, un groupe de mecs évidemment, qui tabasse bien de la guitare. Encore du garage bruitiste ce soir, sur lequel on fera un peu l’impasse, pour rester frais pour ce qui vient ensuite. Cependant, dans la fosse, ça joue sérieusement des coudes, l’ambiance est un peu folle pour accueillir dignement ces Irlandais. Les chansons sont puissantes et intéressantes, on appréciera (de loin) De Bom Bom et sa guitare aussi saturée que la voie de Dara Kiely. On en est presque à regretter de ne pas être plus proche.
Mais voilà la grande attraction de la soirée ! En pleine tournée promotionnelle de leur tout dernier album Magnifique, sorti après cinq longues années d’attente. Ratatat, à la Route du Rock, voilà qui sonne comme une évidence. Le décorum visuel ne décevra pas. Le logo en grand en fond accueille dignement les deux new yorkais avant de laisser place à tout un tas d’animaux superposés qui rappelleront bien évidemment la pochette de LP4. Magnifique reprend les affaires où elles en étaient restées. Ratatat c’est désormais cinq albums, avec chacun, au minimum deux tubes. En effet les américains se sont fait une réputation de faiseurs de tubes toujours bien vivante. Ainsi, Classics, qui porte bien son nom, avait laissé (entre autre) Wildcat et Lex, LP3 Mirando et surtout Shempi, Magnifique laissera Cream On Chrome, joué assez rapidement dans le set et Abrasive, véritable tube en puissance. Toutes ces chansons seront jouées lors de cette soirée, ce qui en soit montre bien la teneur et la qualité de la prestation. Sur scène, on assiste littéralement à un combat entre la basse et la guitare. Mike Stroud et Evan Mast se donnent coup pour coup et on s’amuse à changer de camp en fonction de notre goût pour les chansons, mais aussi tout au long d’une même chanson. La setlist permettra d’alterner entre moments de folie et moments plus calmes, mais le final sur Shempi et sur ces deux tambours emportera l’adhésion de tous. Voilà un concert dont on se souviendra !
La soirée se terminera sur le set de Rone qui vient de sortir l’excellent album Creatures, où il a invité plusieurs grands noms à chanter comme par exemple, Etienne Daho ou Bryce Dessner sorti tout droit de The National. Le visuel est intéressant. Installé sur sa petite montagne, Erwan Castex alias Rone, nous emmène dans son univers électronique où la rêverie et le lyrisme sont parties prenantes. On se laisse aller à cette musique étrange sur laquelle on s’oublie un instant. La fatigue ne se sent plus, on est apaisé par le son. Mais attention, des compositions comme Sing Song, mais aussi Ouija bousculent aussitôt comme pour mieux faire sortir les émotions. Le grand moment du concert restera l’apparition sur scène de François Marry, un temps échappé de ses Atlas Mountains pour interpréter la magnifique chanson Quitter La Ville. On aurait bien poursuivi d’ailleurs avec lui, mais il n’y avais pas la place ce soir-là. Rone reprend les rênes et termine en beauté cette première soirée convaincante de la Route du Rock 25ème édition !
Note: