Baskin de Can Evrenol est l’adaptation en long métrage du court du même nom présenté par le réalisateur Turc lors de l’édition précédente. Une telle transformation est un jeu dangereux tant les ingrédients et formules propres à un format ne fonctionnent pas forcément chez l’autre. Et justement, le premier film de Can Evrenol n’échappe pas à la règle. S’il parvient à insuffler dans la première demi-heure une ambiance poisseuse prenante, marquée par l’utilisation très maniériste des couleurs, à la façon de Mario Bava ou Dario Argento, il échoue à transporter le spectateur dans la fameuse « descente » – en enfer – du titre. Même si on ne peut réellement s’attacher à cette unité de flics ripoux et vulgaires prenant un malin plaisir à martyriser les provinciaux et autres sans-abris, on ne peut nier la faculté dont fait preuve Evrenol à construire des personnages cohérents et intéressants, notamment le jeune bleu et son père adoptif, chef de l’unité. Il faut dire que le cinéaste est bien aidé par le jeu imparfait mais sincère de ses acteurs. Lorsque ceux-ci sont traînés dans un édifice perdu dans les bois marécageux par un appel téléphonique d’une autre unité, le caractère mystérieux est à son comble. C’est pourtant le début des problèmes pour Baskin qui ne saura pas se dégager de ses trop grandes influences : le cinéma fantastique français en tête (Frontières, Martyrs) mais aussi The Descent de Neil Marshall et Kill List de Ben Weathley, accueilli comme un roi cette année dans le cadre d’une carte blanche.
Vous l’aurez compris, ce qui se cache dans les sous sols de cet ancien commissariat, n’est rien donc que la lie de la société, l’horreur humaine à l’état pur, l’inhumanité à son paroxysme. Les policiers vont tomber nez à nez avec un groupuscule sectaire aux mœurs gores, violentes et immorales. Le cache-cache, ou plutôt la chasse à l’homme tourne vite court, et Can Evrenol nous amène dans un dernier tiers flirtant avec le torture porn, où le chef monstrueux de cette horde bestiale va alors s’amuser à éborgner, pousser à violer et tuer les quelques survivants, tout cela dans une explosion de tripes, d’excréments, de spermes et d’hémoglobines. Le jeune Turc cherche à impressionner et gonfle les muscles mais, à part quelques malaises, il n’aura gagné que la mise en échec de sa propre œuvre. Tout le film semble se diriger vers cette scène finale trop longue, trop frontale et trop éprouvante mais finalement très superficielle – ce ne sont pas les faibles dialogues qui sauveront le tout, ni même le gourou au charisme d’une huître. Plutôt que de filmer la « descente », le réalisateur s’est plutôt focalisé sur l’enfer en lui même. Grand mal lui en a pris car son enfer de surface, à part son imagerie choquante, ne laissera aucune empreinte sur le spectateur. Et après un twist final tout sauf inattendu, on ne peut que déplorer le choix de Can Evrenol qui aurait du laisser son court métrage à son format initial et se dédier à une œuvre nouvelle et autonome. Ce n’est pas le talent qui lui manque, le premier tiers de Baskin est là pour nous donner de l’espoir.
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