Lors de sa sortie en 1996, Y aura t’il de la neige à Noël fut accueilli avec chaleur, salué par un César du meilleur premier film et le prix Louis-Delluc.
Depuis, on avait un peu oublié ce film faute d’une édition vidéo à la hauteur. Carlotta comble le manque en proposant le film en DVD et blu-ray dans une splendide version restaurée en 4K. En attendant, on l’espère, une exploitation en salles.
Ce film était la première réalisation de Sandrine Veysset. Il décrit, le temps de trois saisons, le quotidien d’une mère-courage et de ses sept enfants, dans une ferme du Sud de la France. Le père, un homme tyrannique, a délaissé la femme pour rejoindre son épouse officielle. Dominique Raymond, plus connue depuis au théâtre, interprète avec beaucoup de force cette femme qui lutte pour garder la tête haute et subvenir aux besoins de ses petits malgré la dureté du quotidien. Et aussi de l’autorité de cet homme (Daniel Duval) pour qui elle garde, en dépit de tout, des traces d’amour. Jusqu’à ce que ses penchants incestueux envers la fille aînée achèvent d’entraîner la mère vers encore plus de solitude.
Tout du long, Sandrine Veysset garde la note juste.
Dès la première séquence, la chaleur de la photographie est notable. En caméra subjective, les enfants sont filmés en train de jouer dans la paille, sur une comptine enfantine jouée au piano, seule musique qu’on entendra avant l’épilogue. Une première scène immersive, de ces moments de cinéma propres à cueillir d’emblée le spectateur.
Sandrine Veysset semble s’être attachée à opposer la générosité du regard à l’âpreté du quotidien. Usant d’une large palette de couleurs qui varient selon les saisons, la cinéaste s’est donné les moyens esthétiques pour rendre compte de la vie de l’exploitation. Et malgré la dureté de ce qui est montré, jamais on ne s’approche ici de la tentation du misérabilisme.
L’interprétation participe également beaucoup de la justesse du film. Car si, on l’a déjà dit, Dominique Raymond livre une composition hors du commun, Daniel Duval ne démérite pas et se maintient hors de toute caricature. Car aussi ignoble que soit le père, le film est fait de façon à ce qu’il conserve son humanité et que l’affection portée par la mère reste crédible. Mais plus remarquable encore est la spontanéité avec laquelle les enfants se sont prêtés à l’interprétation, tant est si bien qu’on est saisi par l’impression d’assister à la vie-même.
La mise en scène de Veysset s’accorde toujours au récit. La splendeur de la photo éclate avec toute son évidence dans la séquence du réveillon éclairée à la bougie, et la justesse des choix de cadrage est manifeste jusque dans la toute dernière scène où la mère observe ses enfants jouer sous la neige, à l’abri derrière la vitre.
Même s’il s’inscrit dans une veine résolument réaliste, le film échappe à la tentation du naturalisme. La subtile allusion à l’univers du conte, l’absence de volonté de forcer sur le petit détail pittoresque, le refus de la complaisance misérabiliste, distinguent Y aura-t-il de la neige à Noël de nombreux films français contemporains qui, à force de vouloir recréer une réalité qu’ils ne connaissent pas, sont tout d’abord criants de fausseté et, pire encore, se placent en surplomb de sujets sur lesquels ils voudraient créer l’empathie. Pour cela, il s’impose de revoir Y aura-t-il de la neige à Noël, à plus forte raison que, tourné dans les années 90, se déroulant dans les années 70 et nous revenant en 2015, son intemporalité est devenue l’évidence même.
Y’aura-t-il de la neige à Noël ? – Disponible en dvd et blu-ray (Carlotta)
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