Petit-à-petit, la scène musicale de Toulouse est en train de délaisser le rock et son univers, non seulement parce qu’après le revival rock des années 2000, les tendances actuelles s’orientent désormais plutôt vers l’électro ou les sons hip hop et aussi parce que d’autres villes alentour captent davantage ce style musical dans leurs programmations (Paloma à Nîmes, la Roche de Palmer à Bordeaux)… Mais il arrive encore des petites surprises, comme la programmation de Jeanne Added au Connexion qui semble être aujourd’hui la seule salle à faire un vrai travail de recherche.
Recherche, c’est sans doute un bien grand mot pour Jeanne Added qui a déjà creusé son sillon dans le monde du rock français en quelques mois. En effet, elle n’en est pas à son coup d’essai puisqu’elle s’est largement fait remarquer lors des Transmusicales de Rennes en 2014, puis pour avoir fait la première partie de Soko au printemps 2015 et être passée à la Cigale en octobre dernier, une salle qui était comble, soit dit en passant.
Nous ne sommes donc plus sur de la découverte, mais plutôt sur une confirmation auprès d’un public de plus en plus large. La jeune femme présente un parcours des plus intéressants puisque rien ne la destinait à cette musique post punk qu’elle nous présente aujourd’hui. Elle a suivi un chemin plus classique auprès du conservatoire de Paris (le CNSMDP pour les pointilleux), dans la classe de jazz. Après de longues années, elle finit par ne plus réellement se retrouver dans ce monde à part et, au gré des rencontres elle se laisse tenter par un chemin de traverse qui l’amène désormais à cette récente carrière solo. Le groupe The Do et notamment Dan Levy qui produit Be Sensationnal son premier album sorti en 2015 aura largement contribué à cette mise en avant.
La salle du Connexion oscille entre la diffusion du match de rugby du soir à l’extérieur et le concert en préparation qui affiche fièrement un sold out ! Quelques places se vendent encore sous le manteau, à l’entrée et l’impatience se traduit sur les visages des uns et des autres.
Lorsque nous accédons enfin à la salle, c’est Norma, une très jeune artiste locale, qui fait largement parler d’elle, puisqu’elle se produit un peu partout, en France comme à l’étranger. Sur scène, elle se débrouille déjà comme un chef et enchaîne ses titres avec un professionnalisme étonnant. Le public est déjà nombreux pour l’écouter et elle ne déçoit pas. Une artiste qu’il faudra garder à l’œil dans les années à venir.
Mais la vraie attente est bien évidemment pour Jeanne Added. Elle se fait un peu longue et elle indiquera plus tard au public avoir eu un problème technique. La foule est ainsi amassée devant la scène, nul besoin de demander aux personnes d’approcher ! Et lorsque qu’enfin les premiers pas se font entendre sur la petite scène, on se rend compte immédiatement que le public est déjà tout acquis à la cause de l’artiste. Un tonnerre d’applaudissements se fait entendre laissant place à un silence mesuré lors des toutes premières notes de musique.
On découvre alors une menue jeune femme plus petite qu’on l’imaginait (les représentations que l’on a sont souvent trompeuses). Mais c’est avec encore plus de respect qu’on admire la performance de la française. Accompagnée uniquement d’une claviériste, vraisemblablement Narumi Hérisson et d’un batteur, la soirée se lance définitivement. Agrippée à sa basse, on est frappé par le manque de la sacrosainte guitare et on se demande bien ce qui va se passer.
Débutant par la très émotionnelle Be Sensationnal, on est immédiatement impressionné par la maîtrise vocale de Jeanne Added. La voix est directe et précise, elle est surtout très pure et pleine de beauté. La musique très minimaliste qui l’accompagne renforce notre intérêt à l’écouter. La salle est toute concentrée sur cet étonnant filet de voix.
De quoi imposer l’atmosphère propice pour le set, une ambiance assez sombre un peu à la Cocteau Twins, en plus électronique. Avec Miss It All, on poursuit sur le même rythme et le public de connaisseur répond présent aux moindres petits rebondissements de la chanson qui est un peu plus mélodique. Mais c’est véritablement Ready qui nous ancrera dans la partie. Chanson assez marquante de par sa répétition, mais aussi de par sa construction. En concert, elle prend davantage d’ampleur, car elle permet d’allonger à l’infini sa durée et de partir vers de nouveaux horizons plus électriques et plus rythmés. Elle permettra pour la première fois de surprendre le public qui se laisse porter par les divagations des musiciens au point d’applaudir avant la fin de la chanson. Il y a un peu de Bat For Lashes chez Jeanne Added, aussi bien dans les tonalités que dans la voix.
Le concert prend une nouvelle envergure à ce moment là et It, qui est une chanson plus rythmée et plus frontale va permettre à tout le monde de se lâcher un peu, jeanne Added en tête. Le moment idéal pour en venir aux titres-phares de l’album que sont Look At Them très onirique et qui ne rate pas sa cible et surtout War Is Coming, d’en mettre plein la vue à tout le monde. La aussi on ne se gène pas pour allonger le plaisir se laisser aller à haranguer le public pour plus de folie.
Jeanne Added n’est pas la plus loquace, ni la plus à l’aise dans son dialogue avec le public, mais elle tente sa chance et cette timidité apparente est encore plus convaincante. À plusieurs reprises dans le concert, elle communiquera. Mais c’est véritablement lors des chansons qu’elle fait passer le plus de message.
La plus électronique Back To Summer, permettra au public de participer, grâce à son refrain des plus simples et repris en cœur. La musique portera naturellement l’ensemble et la prestation est d’ores-et-déjà une réussite. C’est pour présenter Lydia que Jeanne Added se laissera le plus de temps pour parler, expliquant la référence littéraire de ce titre et son ambiguïté. Entre attirance et rejet de la personne. L’ambiance redevient un peu plus sombre et la tension réapparaît de nouveau. On imagine facilement The XX sur scène qui aurait céder à des ambiances un peu plus électroniques. Puis, Suddently va venir apaiser tout cela, rappelant à ceux qui l’avait oublié à quel point la voix de jeanne Added est précieuse.
Le concert fut assez court, on aurait aimé en avoir un peu plus… Malheureusement Jeanne Added n’en est qu’à son premier album et par conséquent très vite à court de titres. Elle prendra cependant le temps de revenir une dernière fois, bien obligée, sur la demande insistante du public, de jouer une dernière chanson en solo sur sa basse et de laisser une dernière note à un public toulousain clairement conquis.
Pleine d’humilité, Jeanne Added salue avec ses deux acolytes la salle avant de regagner ses quartiers prête (Ready) à repartir en guerre (War is Coming) pour le reste de sa tournée.
La salle se vide alors lentement, chacun essayant de retrouver ses esprits. Dehors, c’est la soupe à la grimace, Toulouse s’est pris une raclée au rugby et nous, on est encore dans un autre monde. La prestation était intense et on en redemandera avec de nouvelles compositions et une durée plus longue et peut-être bien avec une guitare ?
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