Inspiré. Voilà comment je qualifierais le choix de se rendre à la magnifique salle du Bikini en ce vendredi soir de janvier en lieu et place d’aller traditionnellement s’alcooliser avec ses amis tout aussi ivrognes ! N’allons pas voir là les signes d’une quelconque résolution pour l’année 2016, bien que cela nous ferait sûrement le plus grand bien, mais plutôt une volonté de reprendre pied dans un univers musical qui nous a, semble-t-il, beaucoup trop échappé en 2015. Car ce qui nous a été donné de voir sur scène ce soir là valait vraiment le détour.
La file d’attente est étonnamment longue à notre arrivée à Ramonville. Visiblement l’ouverture des portes s’est faite plus tard que d’habitude. 2016 l’année du changement ? Nous avons donc eu tout le loisir de nous installer tranquillement dans une salle qui à vrai dire était bien fournie en public dès la première partie. Nous savions que la venue des Français de The Shoes attirerait du monde, mais pour ce qui était de la première partie, il faut avouer que nous avons été un peu surpris.
Pourtant, Mr Crock a sillonné plusieurs scènes et même remporté le festival Ici et Demain. Le groupe avait échappé à nos radars, mais voilà l’erreur réparée ! Cela dit, au bout de quelques morceaux, le chanteur, Walter, nous rassurera quelque peu en nous disant qu’il n’avait jamais joué devant autant de monde que ce soir à Toulouse.
L’abondance du public va trouver également une réponse naturelle et nous allons d’ailleurs nous attarder un peu sur la présentation de ce groupe français très convaincant. Auteur de chansons mélangeant les traditionnels pop et rock, le collectif se montre très professionnel dans son approche et à l’aise avec le public. Un petite touche de folk à la française, mettant en avant un accordéon avec Solène Rigot qu’on avait pourtant croisée dans d’autres univers artistiques (le cinéma) et nous voici emballés en deux chansons, certes très classiques, mais bien construites et entraînantes.
Mr Crock est un collectif de gens talentueux. Le batteur, remarquable, impose un rythme direct et imprévisible, et tous les autres sont des multi-instrumentistes et échangent les instruments quasiment à chaque chanson, pour casser la routine. À vrai dire, il n’y a pas de bassiste à part entière, alors chacun s’y colle un peu. Et malgré cela, certaines lignes de basse font littéralement rêver comme, par exemple, celle de la chanson Contrôle qui nous rappelle directement Motorama ou les groupes habituels de la new wave des eighties. Le tout porté par un duo de chanteurs : l’envoûtante Christelle, qui a cependant tendance à céder maladroitement à un vibrato souvent mal placé et à qui on préférera Walter qui possède un charisme naturel et surtout une voix magnifique et parfaitement maîtrisée. Il mériterait, même s’il occupe déjà une place importante, d’être mis plus largement en avant. Quand on possède une voix pareille, il n’est nul besoin d’en demander davantage.
Les chansons de leur EP Aphrodesis s’enchaînent agréablement les unes après les autres. Ils passent naturellement du français à l’anglais, prennent le temps de discuter un peu avec le public, même si c’est pour combler la réparation de la sangle de la basse et propose des titres déjà bien calibrés pour la scène. Mr Crock s’amuse à casser les rythmes comme dans Love Machine, Heart & Bones ou encore Blue Ferrari, passant de temps contemplatifs et lents à des rythmes frénétiques, énergiques et vice-versa. Peut-être pourrions-nous leur reprocher de trop le faire, car certaines compositions mériteraient d’exploser littéralement, notamment Please Mama qui retient sa folie tout du long alors qu’elle pourrait clairement retourner une salle de concert à la faveur de ces longues plages instrumentales.
Mais c’est la chanson New Romance qui semble être le véritable tube du groupe. L’accordéon de Solène Rigot y occupe une place importante qui donne tout son charme à la composition. Le tout accompagné par une voix plus lointaine de Walter et les cœurs de Christelle mais surtout de lignes de cordes vraiment très excitantes. On espère retrouver bien vite Mr Crock avec de nouvelles chansons et un vrai album, tant nous avons été charmés par la prestation des Français et le public ne nous contredira pas.
On a bien du mal à la fin de cette première partie à se dire qu’un autre concert nous attend. D’ailleurs, il existe peu de points communs entre les deux groupes, si ce n’est leur nationalité. The Shoes a sorti dernièrement son deuxième album Chemicals qu’il présente à travers cette tournée et son style musical est bien différent de celui de Mr Crock.
En effet, nous sommes en présence d’électro rock aux tendances techno par moments, bourré de références musicales plus excitantes les unes que les autres. Mais la prestation de la première partie ne va pas intimider le duo accompagné pour l’occasion des habituels batteurs ,les Das Galliano. Il faut dire que Guillaume Brière et Benjamin Lebeau ne sont plus des amateurs depuis longtemps. Au-delà de leur carrière musicale débutée avec le groupe The Film, ce sont également des producteurs de qualité, puisqu’ils ont à leur corde des collaborations avec Woodkid, Yuksek, Gaetan Roussel, Lilly Wood ou encore Philippe Katerine.
Leur premier album Crack The Bones avait attiré l’attention de la critique et du public, notamment par la large diffusion du titre Time To Dance, qu’on a tous entendu par-ci par-là et dont le clip vidéo accueille la participation de Jake Gyllenhal.
La prestation convaincante de Mr Crock n’a pas donc pas fait sourciller The Shoes qui ne nous accordera pas de round d’observation. D’entrée de jeu, l’énergie est déployée à travers à la fois le jeu de lumière, les différents visuels utilisés et surtout le son qui ne fera pas dans la dentelle ! Et c’est exactement ce que demandait le public complètement surchauffé. Après une introduction digne de ce nom, The Shoes prend la peine de chauffer les esprits en balançant les premières notes de Time To Dance et à Guillaume Brière de lâcher « Celle-là, vous la connaissez… » Le public réagit au quart de tour jusqu’à ce retournement de situation qui voit apparaître la chanson Let’s Dance de David Bowie en lieu et place du titre phare. Nous sommes conquis par cet hommage et on profite de la chanson tout en se disant qu’on ne verra plus jamais le bonhomme sur scène.
The Shoes est sûr de ses forces. Bientôt le single Drifted fait son apparition. Lancé par un sample des improbables Thunderdome, on pense basculer dans la techno jusqu’à l’arrivée de la voix de Guillaume Brière reposant tout cela sur un délicat son de piano. Mais avec The Shoes l’explosion est toujours à portée de main. Le single retourne la salle, accompagné par le vidéo-clip reprenant des détournements réalisés sur Youtube, une façon d’être dans l’air du temps voire d’en être l’un des acteurs. Ces choix visuels qui accompagneront l’ensemble du concert portent l’ensemble à un niveau encore supérieur. L’un d’entre eux mettront à l’honneur Mickael Jackson montrant l’évolution du visage de l’artiste jusqu’à l’imaginer plusieurs décennies dans le futur : on prend vraiment plaisir à les regarder et cela sert parfaitement une mise en lumière bien étudiée et ces musiques pleines de vitalité.
L’un des grands moments du concert a été sans aucun doute la chanson People Movin’, dans une mise en scène incroyable et pleine d’envies. Après l’introduction qui fait monter la pression avec ce titre répété en boucle, la place est faite aux guitares, lorsque Guillaume Brière prend la parole. Le son est résolument eighties et renvoit forcément à Cure. Les vidéos à l’arrière font naturellement place à un écran qui petit-à-petit se remplit de rouge et aux lumières de balancer des rayons alternant entre le jaune et le blanc. La chanson est idéale pour affoler les esprits avec de belle montées en puissance soumises à des points de rupture, technique idéale et largement utilisée pour rebooster une chanson et la faire glisser dans la folie. Et le pied est réellement pris lorsque le sample de A Forest issue de l’album Mixed Up des Cure fait son apparition à la fin de People Movin’. S’ensuit alors une reprise dingue. Une belle surprise qui intervient naturellement et ce fond rouge vif rend la chose vraiment intense.
The Shoes enchaîne les chansons imparables, la salle se laisse porter et danse autant qu’elle peut. On entendra les classiques Stay The Same et Wastin Time et la part belle sera faite au deuxième album Chemicals avec le single Give It Away, mais aussi 1960’s Horror avec cette vidéo de poulets qui s’en prennent à des petits chats.
Mais un concert de The Shoes ne serait pas un concert sans la fameuse Time To Dance qui sera d’ailleurs la dernière du concert. S’il restait encore des gens à convaincre, voilà le travail achevé . L’occasion d’accueillir sur scène les petits de Mr Crock pour finir en apothéose et dans la convivialité. Inspirés nous avons été de venir en ce vendredi soir, mais d’autre l’ont été encore plus que nous, et ils se trouvaient sur scène.
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