Coincé au beau milieu de la ville par la volonté même de ses organisateurs, le festival Art Rock a tenu ses promesses cette année, en remplissant largement toutes les attentes. Avec une programmation éclectique, mais grand public, le festival a fait le plein en annonçant plus de 78 000 spectateurs en trois jours sur l’ensemble de ses sites avec notamment un peu plus de la moitié en entrées payantes.
Il faut le savoir : Art Rock propose différentes activités au travers de la ville de Saint Brieuc dont la plupart sont entièrement gratuites. Parmi dix lieux différents, il est possible de choisir entre la musique, les arts graphiques, le cinéma, la danse, le théâtre ou la gastronomie.
Art Rock véhicule ainsi depuis plus de trente ans des valeurs de partage, de mélange entre cultures et entre les arts, en aiguisant la curiosité de chacun, venu de prime-abord dans un but précis et qui repart avec la possibilité d’autre chose.
En ouverture, nous retrouvons nos racines toulousaines en la présence de Jain, artiste montante du moment, portée par l’incroyable réussite de son premier album Zanaka fraîchement sorti en fin d’année 2015. Découverte et portée par l’artiste Yodelice qui la produit, Jain rencontre un succès fulgurant grâce au titre Come. Lorsque nous découvrons la grande scène d’Art Rock, c’est avec surprise que nous voyons cette jolie jeune fille complètement seule sur ce grand espace. Avec pour seuls instruments sa table de mixage et sa guitare, Jain semble bien petite, tout là-haut, entourée de différents écrans éparpillés sur scène. Mais la Toulousaine occupe l’espace, bien portée par ses chansons dansantes et entraînantes.
Le public, bien présent malgré les habituels aléas d’un début de festival, s’agite un peu. Ce dernier est d’ailleurs très familial, puisque l’on croise régulièrement de petites têtes blondes et des ados qui déambulent avec excitation entre les jambes des amateurs de musique.
Même si l’on regrette un peu de ne pas voir de musiciens en compagnie de Jain, elle produit beaucoup d’efforts pour faire le spectacle. Elle s’agite, réalise des danses improbables, communique avec le public et le fait même participer aux chœurs de Come, un petit instant sympathique d’ailleurs. Jain aura su convaincre malgré tout et fait passer un bon moment au public. Elle finira par son autre tube Makeba, peut-être le plus audacieux et qui laisse présager de belles perspectives d’évolution.
S’en suit alors une belle opportunité pour nous d’aller découvrir les artistes qui sillonnent la petite scène B, placée tout à côté de la Préfecture de Saint-Brieuc. Pour commencer, Art Rock a fait appel à un groupe local qui vient tout juste de sortir un premier EP prometteur intitulé Wind and Mouvement. Le groupe s’appelle Colorado et la première réaction en les voyant sur scène a été de se demander l’âge des jeunes hommes. Le duo a un âge cumulé de 35 ans ! Martin Audrezet et Charles Urvoy ne sont pas pour autant intimidés et puisent dans leur déjà petite expérience pour assurer un set de qualité.
Martin, revêtant un look improbable fait de lunettes de soleil, d’un survêtement digne des meilleures fautes de goût du début des années 90 et d’un pantalon un peu trop court, mène le concert avec tranquillité, tout comme Charles qui s’occupe des percussions sans trembler.
La musique, elle, est captivante. Colorado nous fait instinctivement penser à Juveniles notamment sur la chanson très dynamique Undisclosed. Mais les rythmes plus lancinants et les plus pressants nous rapprochent davantage de New Order et également d’une scène électro très active et inspirée actuellement.
Il fallait avoir du cran pour ouvrir la scène B et Colorado y est largement parvenu et semble avoir de belles années à venir.
C’est avec beaucoup d’envies que nous nous rendons de nouveau sur la grande scène pour découvrir Balthazar dont nous attendions beaucoup. La Belgique a déjà fourni bon nombre de groupes de qualité comme, dEUS, Girls In Hawaii, Soulwax, Mud Flow, Ghinzu ou encore Sharko. Voilà de quoi nous mettre en appétit, d’autant que les compositions déjà entendues sur leurs précédents albums Applause et Ratz, ne nous avaient pas du tout laissés indifférents.
Actuellement en tournée pour la présentation de leur dernier album Thin Walls, les membres du groupe se présentent sur scène tous parés de leur plus beau costume. L’entrée est directe et va à l’essentiel, les Belges jouent du rock !
Balthazar parle certes anglais et parle au public visiblement emballé. Les anciens titres que sont Morning, The Oldest Of Sisters rappellent les bons souvenirs que viennent renforcer les excellents titres que sont Decency – qui introduit l’album – et le single Nightmare chanson devenue titre-phare du groupe. Sur scène, chacun mène sa barque prenant les devants les uns après les autres. La cohésion et le professionnalisme sont de rigueur et Balthazar offre ainsi une prestation de premier ordre.
Rien de mieux pour lancer ensuite The Shoes, groupe français, que nous évoquions il y a peu et qui nous avait littéralement transportés, véritable tête d’affiche pour nous de la soirée, qui proposera ce soir-là encore une prestation incroyable. Certes, le public plus familial et l’horaire peut-être un peu trop avancé dans la journée, n’a pas permis d’atteindre les sommets de sa performance toulousaine, mais le fait est que la tournée de The Shoes est bien rodée et que ses compositions sont des plus efficaces.
Toujours accompagné de ses vidéos youtubesques trafiquées, il enchaîne les tubes que sont Drifting, People Movin’ avec la reprise de A Forest des Cure et terminera par la fameuse Time To Dance qui convaincra les plus réfractaires à cette électro frontale. Encore une belle prestation qu’on ne saurait trop conseiller.
Le temps d’une galette-saucisse, nous nous rendons ensuite sur la scène B à la découverte d’une figure montante et qui sera de la partie des plus grands festivals cette année, à savoir Thylacine. Du haut de ses 23 ans et de son vrai nom William Rezé, il a réalisé une performance remarquable du côté de la préfecture de Saint-Brieuc. Son premier album Transsiberian fait voyager son auditeur à travers la toundra russe. C’est que, lors de son voyage à bord du fameux train, Thylacine a enregistré certains sons qui lui ont fourni la base de l’album. Il réutilise alors ces parties afin de développer sa musique électronique à la fois énergique et mélodique.
Le premier titre Train ouvre ainsi la voie et la nuit étant désormais complètement tombée nous permet de profiter à fond de ce voyage et des jeux de lumières. Le public désormais plus habituel d’un festival s’est agglutiné devant la scène B, et il se trémousse sans plus jamais s’arrêter. Quitte à laisser de côté la vraie tête d’affiche de la soirée, à savoir Louise Attaque.
Nous avons fait ce choix et c’est sans regret. Belobezvodnoe est une petite pépite dans la continuité de Train et lorsque le refrain arrive, personne ne peut rester indifférent. Accompagnée de ces chants traditionnels, la rythmique est parfaitement maîtrisée. Thalycine, un artiste à suivre et décidément cette scène B en valait la peine.
Mais notre une conscience professionnelle nous a incités à voir ce qui se passait sur la grande scène. Gaëtan Roussel et sa troupe ont fait vraiment le plein. La place pouvant accueillir 9 000 personnes devait afficher complet. Il faut dire qu’ils en ont parcouru du chemin, les Français, depuis l’album éponyme de 1997. À enfiler les tubes et à parcourir la France, Louise Attaque s’est taillé une réputation bien méritée, mais qui aujourd’hui attire moins.
Le show est remarquable, maîtrise de bout en bout. Gaëtan Roussel tient son public, joue avec, lui parle. Le jeu de lumière est intense et les chansons sont reprises par le public. De quoi passer un bon moment. Nous assisterons non sans plaisir à Je t’Emmène Au Vent et son introduction au violon incroyable et qui clôturera le concert. Le bassiste Robin Feix a bien failli se faire mal à force de jouer au malin, mais il s’en sortira sans accro et participera au rappel du groupe. Les Briochins ont été largement convaincus de la prestation, et Louise Attaque a bel et bien toute sa vitalité.
La première soirée se terminait ensuite sur le set de Birdy Nam Nam auquel nous n’avons pas assisté, mais là aussi nous vous en avons déjà parlé dans ces pages. Art Rock a débuté fort et tient ses promesses. Il reste encore deux soirs !
Note: