D’Amour. Il fût d’abord et avant tout question d’Amour ce soir à la Nouvelle Vague.
L’entrée de Rokia Traoré est aussi irrésistible qu’imparable. La jeune femme rejoint sa guitare, l’accorde et nous présente délicatement – comme une offrande, un humble liminaire – le riff répétitif de Mayé. Puis la voix se pose, magique et puissante. Les mots nous parlent, même si nous ne les comprenons pas. C’est toute la force de la chanteuse malienne. Faire musique avec ce corps d’apparence frêle et fragile révélant en fait une personnalité incroyablement forte et irradiante. La magie n’est pas loin. On la sent.
Pas la peine de sourire Rokia, nous sommes déjà tombés amoureux.
Amoureux de cette musique universaliste et humaniste – injustement classée « world music » (comme si la musique occidentale n’appartenait pas à ce même monde) –, nourrie par les voyages et pétrie par des langues et des cultures apparemment si différentes. Apparemment, car la Malienne sait bâtir les ponts entre les civilisations pour en tirer l’essence d’un universalisme évident. De ses multiples pérégrinations et rencontres naîtra une musique hybride chantée en Bambara, en français ou en anglais sur fond de guitare et de ngoni.
Amoureux aussi de cette générosité et de cette simplicité nous invitant délicatement, sans diktat, à l’écoute et à la réflexion. L’humain est mis au centre du Système. L’interprétation de Né So (chez moi) évoquant sans pathos le déracinement des migrants devient alors un hymne à l’espoir. Ce chez moi peut alors se transformer subtilement en chez nous, en chez eux.
Amoureux bien sûr de cette philosophie chantée et contée invitant à la fraternisation et à la contemplation. On entend ainsi avec plaisir ce discours à l’issue de Sé dan visant à mettre le respect de soi-même et (donc) d’autrui comme pierre angulaire de ce fameux vivre ensemble. Un discours déjà entendu, certes, mais rarement affirmé avec autant de sincérité. Cette naïveté apparente devient le principal levier du possible.
Amoureux enfin de cette ambiance de communion laïque et fraternelle dans laquelle ses voisins de concert échappent à leur condition de parfaits inconnus, le temps de quelques chansons. Pas la peine de se parler pour créer du lien. Une narration musicale basée sur la répétition nous invite à la transe et synchronise nos corps dans une même oscillation.
Après un set de quasiment deux heures, ce n’est pas tant la sensation d’un concert se terminant qui nous envahit. On se sent étrangement bien en se surprenant à sourire béatement à ces fameux voisins de concert, ces parfaits inconnus. L’oscillation a disparu mais un lien subsiste. A charge pour nous de le faire durer.
Merci à Rokia Traoré de nous avoir (re)donné le La.
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