Il pleut sur Nîmes pour le deuxième jour du festival, mais les orages qui s’abattent dans la région ont le bon goût de s’y déverser dans le milieu de l’après-midi. Il ne tombe plus que quelques gouttes sur le site de Paloma lorsque Lush monte sur la grande scène, encore en pleine lumière. Miki Berenyi a l’air surprise de voir le public d’ordinaire plongé dans l’obscurité et ne cessera de s’en étonner tout au long du set. Avouons que nous aussi, nous sommes surpris d’observer le groupe au grand jour, vingt ans après qu’il ait splitté. On a plutôt l’impression d’être les témoins d’une réunion de famille où Tata Josiane a décidé de taper le bœuf en jouant de mauvaises reprises de Lush – la voix qui est mixée très en avant quand elle était autrefois noyée dans un mur de guitare – que d’assister à un revival de l’époque du shoegaze et de la noisy pop. C’est le souci de ces re-formations qui sont devenues une habitude chaque année, après les Breeders, Slowdive et Ride, qui font trois petits tours dans les festivals pour payer les traites de la maison de campagne, puis retournent dans l’oubli. Nul plaisir nostalgique ici, mais plutôt un moment gênant et anecdotique – malgré une bonne humeur et un plaisir manifeste partagé par le groupe sur scène – qu’on oubliera aussitôt.
Le ton va monter de plusieurs crans avec le set d’Algiers dans la Grande Salle. Le premier album éponyme du groupe est une fusion moderne de musique gospel avec des sonorités issues du hip hop, du rock, du post punk. Un mélange déjà détonnant sur disque mais qui trouve sa véritable incarnation en live, avec Franklin James Fisher, le chanteur ultra charismatique dont on a l’impression qu’il prononce des incantations, parfois à genoux, frappant la scène de son tambourin autour de lui comme s’il incarnait un rituel de purification pour éloigner les mauvais esprits. C’est très impressionnant, il se dégage quelque chose de quasi chamanique pendant ce concert. Ryan Mahan, à la basse et à la programmation n’est pas en reste, lui aussi habité par la musique dans une forme de transe qu’il transmet à un public sidéré. Le concert d’Algiers sera l’un des meilleurs de ce week-end, haut la main.
Dehors, Air vient d’investir la grande scène Flamingo. Les Français, représentants historiques de la french pop tournent à l’occasion de la sortie d’un best of et l’on s’aperçoit que si l’exercice compilatoire est parfois strictement mercantile, il s’avère ici très pertinent, le duo faisant ressortir ce qu’il a de meilleur dans une carrière hétéroclite. On a juste le temps d’écouter Venus et Cherry Blossom Girl pour s’apercevoir que Air joue bien, de façon totalement décomplexée et dénuée de toute contrainte promotionnelle. Le son est beau et cristallin, la scénographie soignée, ce qui nous fait d’autant plus regretter de quitter Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel pour aller assister au concert d’un groupe que l’on attend de pied ferme, LUH (Lost Under Heaven), le nouveau projet d’Ellery James Roberts, ex-chanteur de feu Wu Lyf, qui joue désormais avec sa compagne, Ebony Hoorn.
Spiritual Songs of Love, le premier album du duo est une véritable révélation, l’un des tout meilleurs de ce début d’année. C’est une œuvre à fleur de peau, connectée sur les émotions, la colère, la rage et l’amour, d’une grande sincérité, parfois naïve mais toujours conquérante. Le groupe s’y révèle à l’aise aussi bien dans le registre de la balade piano/voix que dans celui d’une electronica lourde, façon rouleau compresseur. Le duo, qui s’est adjoint les services d’un clavier et d’un batteur pour la tournée, est encore novice sur scène. Si Ellery James Roberts est le seul qui peut justifier d’une expérience du live – qui en fait un leader charismatique vers qui tous les autres se tournent comme vers un chef d’orchestre -, Ebony Hoorn compense un trac qui est manifeste en surjouant a contrario une attitude sûre de soi qui dissimule mal son émotion. C’est quand elle se trompera dans les paroles de Loyalty que tombera son assurance factice. En la circonstance, LUH confirme le bien qu’on en pensait, tout en gardant une belle marge de progression qui promet pour l’avenir du groupe, que l’on reverra sûrement à la Route du Rock cet été.
Un mur d’amplis Marshall attend sur la grande scène de délivrer les déflagrations sonores de Dinosaur Jr qui débarque à une heure du matin. Jay Mascis, avec son look d’ado sur le tard, est accompagné par le line up original du groupe, Lou Barlow à la basse et Murph à la batterie. Et quel plaisir de voir Dinosaur Jr jouer ses classiques – avec un enchaînement Just like heaven/ Freak scene imparable en fin de set – ainsi que de nouveaux titres prometteurs qui annoncent un album prévu en septembre. Sans être très friands de solos de guitare à rallonge, il faut avouer que lorsque Jay Mascis taquine sa six cordes et sa pédale wah wah, l’effet est garanti. Le public est ravi et nous aussi. Dinosaur Jr conclut de belle façon cette deuxième journée avant le dimanche dont la programmation laisse augurer de nouveaux assauts de décibels.
Crédit photo : Adelap
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