Cette mouture post-2010 de Swans est une comète dans le paysage musical actuel. Elle est revenue timidement nous voir quinze ans après une première apothéose, telle Halley et ses éternels retours, puis nous a époustouflés de son incommensurable beauté et singularité, avant de s’en aller de nouveau au sortir de cette « dernière » tournée, en aval de son excellent disque, The Glowing Man. On pourrait croire que revoir les Swans en concert tous les ans depuis quatre années entraînerait une certaine lassitude, mais il n’en est rien. Au contraire, le groupe pousse chaque fois plus loin son art et nous abasourdit de plus belle. Pour ce chant des cygnes – avant une mutation qu’initiera dans les prochaines années Michael Gira – pas d’exception à la règle. Un live monstrueux, chaotique et bouleversant.
Enfin si, il y aura bien eu une exception, la première partie, excellente, quand les dernières ne pouvaient être que de simples amuse-gueules. La talentueuse Anna Von Hausswolff aura fait plus qu’introduire des légendes : elle aura montré l’héritage des Swans via sa capacité à passer de l’Art Pop la plus nébuleuse à un démentiel morceau de Drone lourd et crasseux de vingt minutes que n’auraient pas renié Gira et consorts. Électrique, angélique, ensorcelant, son live fut tout ça à la fois et nous aura conquis. Belle entrée en matière.
À peine le temps de planer sur la B.O. psychédélique du Nosferatu d’Herzog et composée par Popol Vuh, que les six musiciens s’accaparent la scène et émettent déjà une aura suffocante. Surprise, l’absence du génial Thor Harris, percussionniste, violoniste et multi-instrumentiste au physique unique qui apportait énormément aux récents concerts de Swans, leur offrant une touche d’émotion indéniable. À la place, un pianiste un peu fougueux au visage de latin lover qui pourtant démontrera bien vite la raison de sa présence chez Swans : un lyrisme épique et parfois déstructuré dans la lignée des meilleurs titre de The Glowing Man.
Quatre morceaux ! C’est tout ce que nous aura donné Swans, mais pour plus de deux heures trente de show. Une véritable claque osée que seuls de rares artistes peuvent se permettre aujourd’hui. Au point de s’accaparer le Trabendo jusqu’à minuit et de détruire le quota de décibels normalement autorisé. Âmes sensibles s’abstenir donc. Et quelle joie de toujours se faire transporter par les vagues sonores, de les sentir courir sur nous comme le vent, mais un vent chaud, intense et à la limite du sensuel. Swans est un groupe physique, plus que jamais en ce soir du 9 novembre, lendemain du résultat pitoyable des élections présidentielles américaines. Nous revient alors le passé Punk et No Wave contestataire de la bête. Peut-être une explication quant à ce concert décidément plus énervé que par le passé.
Mis à part la transcendantale et cinématographique Cloud Of Unknowing, ses moments d’accalmie et jazzies sublimes contrebalançant un départ Doomesque au possible, le reste du live fut placé sous le signe du Rock primitif et épique. Les deux premiers morceaux, interminables, mais jouissifs, furent de superbes compositions inconnues (sûrement enregistrées pendant la tournée, ce qui présage peut-être la sortie d’un CD Live gargantuesque) résumant parfaitement cette mouture de Swans. Tandis que terminer par The Glowing Man fut un choix finalement logique, avec son duo basse-batterie façon Oxygen sous amphétamine et offrant un espace d’expression personnel au chanteur, nous contant alors sa cohabitation avec Joseph, son démon. Sur scène, il devient alors un chaman, un pasteur accompagné par son chœur expérimental et prêchant cette fois des paroles insensées. Gira, le dernier héritier de James Brown. On aimerait que ça ne s’arrête jamais, que la standing ovation finale continue pour l’éternité. On se contentera de ses deux heures trente monumentales qui resteront gravées dans nos chairs et de l’attente fébrile du renouveau de Swans.
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