Il y a un an, la saga Star Wars faisait son retour, amorçant à coup de millions une nouvelle trilogie. L’opération, commerciale avant tout, et serinée des mois durant par l’ensemble des médias mainstream et des geeks de la planète semblait avant tout vouée à la perpétuation d’un mythe monté de toutes pièces par l’économie hollywoodienne. Entre hystérie et produits dérivés tentait tout de même d’exister un film, au cahier des charges si étouffant que le cinéma ne s’échappait de ses pores que par lueurs, germes et espoirs. Certes, l’ensemble de ses scènes ne consistait qu’en des relectures d’événements clé des précédents épisodes, mais le temps consacré à l’émergence de nouveaux héros et le touchant relai opéré par les anciens portaient en lui une charge de réinitialisation fonctionnelle voire parfois belle.

La construction d’un épisode de Star Wars requérant du temps et le fonctionnement de l’économie Disney requérant du flux, une politique bâtarde fût alors mise en œuvre par le studio, visant à distribuer un produit cinématographique par an. Les années impaires seraient alors consacrées à la poursuite de la saga originale, lorsque les années paires se verraient confier le soin de porter des spin-off (ou épisodes annexes). En 2016 nous parvient ainsi le premier d’entre eux, Rogue One : a Star Wars Story.

Arrivant avec un tapage curieusement dissymétrique à celui provoqué par son grand cousin de 2015, Rogue One avait de quoi susciter tous les espoirs. Délesté d’une part conséquente de son héritage narratif (puisque ne présentant que des personnages destinés à périr dans le cadre d’une mission suicide) mais également esthétique (et ainsi présenté, dès son absence de texte introductif défilant, comme un espace de liberté échappé des carcans gentiment surannés des épisodes originaux), le film, par son cadre et son sujet, s’annonçait tel un premier Star Wars d’affranchis.

Et pourtant, jamais équipe chargée d’un long-métrage n’aura semblé si engoncée dans le costume de petits stormtrooper à la botte d’un puissant maître. Ayant eu en tête de concevoir un scénario mais jamais à cœur de porter une histoire, leur film, monstrueux assemblage de tous les clichés du genre, constituera sans doute l’œuvre la moins singulière qu’aura produit l’univers Star Wars. En lieu et place d’un souffle de liberté, ce Rogue One ne fera sentir que le frisson de la peur – de la terreur, même – face à l’idée d’entreprendre quoi que ce soit. Victime d’un affreux découpage, cet agglomérat filmique mettra plus d’une heure à trouver son identité (sous la houlette facile d’un enchaînement de scènes d’action finales). Avant quoi, chacun aura semblé réécrire – de son côté et sans audace – de chouettes petites scénettes vu ici, de chouettes petites répliques vu ailleurs, les balançant au gré de ses humeurs dans un triste blender gonflé aux effets numériques et au wallpapers faciles de graphistes dénués d’âme ou de génie.

D’une intrigue cousue de fil blanc, où chaque scénette annonce le cliché à venir et tient inéluctablement sa lamentable promesse – oui, oui, si elle retrouve son papa, c’est forcément qu’il va mourir dans ses bras -, aurait au moins pu naître quelques personnages. Hélas, ces concept art de papiers, caractérisés en quelques lignes, manquent terriblement de personnalité, d’ambiguïté ou de névroses (plutôt que de backstories faciles), en somme d’humanité. Plus ou moins risibles (difficile de ne pas déployer sa gorge à chacune des grotesques apparitions d’un Withaker mi-asmathique mi-sénile hurlant « Mensonges ! » au tout venant depuis son armure-détritus), ces futurs jouets destinés à plaquer un imaginaire d’enfants qui se substituera à celui que n’auront pas eu leurs créateurs ne donneront envie au plus grands que de satisfaire leurs pulsions mortifères. Par bonheur, chacun périra aussi risiblement qu’il aura vécu, le plus souvent en se suicidant (puisque c’est le sujet) sans réelle nécessité (à l’exception du duo final, nous gratifiant d’une conclusion tire-larme mi-putassière mi-shakespearienne).

Sur les cendres de ces héros, achevés par un Vador-Service boosté aux amphets avant d’être pleurés par la plus hideuse des Leïa en 3D, nous ne pleurerons hélas pas, tant leur sincérité n’aura su exister que sous des aspects politiques insanes. Aussi, les rebelles confessant quelque exaction n’auront jamais pu admettre quelque viol ou quelque pillage (Dark Mouse veillant d’un œil sauronnien sur son empire de sucre et de miel) et le féminisme porté en exergue par ce métrage n’aura jamais semblé aussi terrifiant (un personnage dit féministe y étant avant tout présenté comme une femme capable d’autant de violence et d’instinct guerrier que les hommes mus par leurs excès de testostérone). Attendu comme la réelle Suicide Squad de 2016, Rogue One n’aura donc appelé de ses vœux que trois suicides : celui de Star Wars, des blockbusters et plus généralement des idées. L’épisode VIII de la saga, attendu quant à lui en décembre 2017, aura ainsi bien plus qu’une mission suicide à relever s’il souhaite figurer parmi les astres tel un nouvel espoir

Note: ½☆☆☆☆

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